Produit par l’équipe de Shaun of the dead, Attack the block en reconduit la formule, remplaçant les zombies par les aliens, la contamination par l’invasion, la culture geek par la culture rap, les trentenaires neuneus par les jeunes de banlieue. Le programme pourrait être alléchant si Joe Cornish (dont c’est le premier film) ne le doublait d’une leçon de civisme des plus détestables.

Alors qu’une petite bande de mioches à capuches agressent dans la rue une infirmière forcément jolie, forcément honnête, une météorite s’écrase. De l’endroit du crash surgit un monstre que Moses, le chef de la bande, tue et emporte avec lui, pensant pouvoir en tirer quelque chose. Funeste erreur, car la bête est une femelle dont les phéromones vont attirer, par-delà le vide interstellaire, une nuée de mâles en rut. L’invasion, très localisée, pourrait presque passer pour un délire collectif issu du seul immeuble habité par les jeunes – au sommet duquel trône la serre à beuh d’un dealer (Nick Frost). Dans une ambiance hip-hop qui souvent fait mouche, les protagonistes se retranchent dans ce jardin secret comme ceux de Shaun of the dead allaient au pub Winchester. Joe Cornish semble vouloir mettre en valeur, chez ses personnages, une puissance d’hallucination (de créativité) par laquelle la banlieue deviendrait un espace purement fantasmatique, entre univers de gamers et souvenirs cinéphiles.

Mais ne nous y trompons pas : ce terrain de jeu est faussement libre, faussement anarchique, faussement joyeux. L’invasion d’E.T. semble directement découler de l’agression première, et prendre la forme d’un châtiment élargi à l’ensemble de la cité. Le jeune Moses se sent donc coupable, et deviendra un héros en allant vaillamment « réparer son erreur ». La horde de bêtes sauvages métaphorise moins les forces répressives (dans cette histoire la police reste tout à fait en retrait) que l’animalité même des jeunes rebelles, drainant avec elle les phobies les plus obscurantistes (le pelage des bestioles est, comme dit l’un d’eux, « noir, d’un noir très noir, encore plus noir que nous » – sic). « Alors que les médias stigmatisent ces jeunes et les transforment en monstres », explique dans le dossier de presse Joe Cornish – lequel aurait été victime en 2001 d’une agression semblable à celle décrite au début du film, et dont il ne se serait manifestement pas remis -, « pourquoi ne pas les confronter à des créatures de cette nature ? Le but était de mettre en valeur l’humanité et la personnalité de ces gamins, en les confrontant à ces monstres qui représentent vraiment tout ce qu’on leur reproche d’être ». Leur donner, en somme, une bonne leçon. Lorsque Moses parvient à exterminer les aliens, il se retrouve au-dessus du vide, suspendu à un drapeau anglais. Essayons de traduire : le jeune de banlieue ne peut devenir un vrai héros anglais que s’il réussit à se sauver lui-même. Mieux vaut en rester aux films d’Edgar Wright.