Annoncé un peu partout comme une grosse poilade post-Jeunet et Caro, Atomik circus débarque aujourd’hui comme un mini-film maudit, plombé par un lourd passif de production (tension et combat de tous les instants avec les créanciers) et les multiples boucheries et cabossages qui en ont découlé. A sa façon, le film des Poiraud rejoint Blueberry dans la liste des accidents industriels d’un cinéma de genre français pourri par une logique commerciale absurde et paradoxale. Moins onéreux que son prédécesseur, Atomik circus demeure un objet malade, détraqué, souvent aberrant, mais s’associe au film de Kounen dans sa façon assez naïve de faire sauter les codes de la grosse production franchouillarde contemporaine : ici nulle bessonite aiguë (racisme, poujadisme, esprit ranci), plutôt une saine méchanceté, un élan frondeur et vivifiant.

En l’état, le film souffre de déséquilibres majeurs : d’un côté beauté de certains plans, petit rêve de cinéma-cinéphage (les références pleuvent et semblent bien digérées), de l’autre, absence de mouvement, montage-bouillie, personnages creux comme des coquilles. La faute à une structure indécise, commençant assez mal (comédie campagnarde académique où surnage, seule, la jouissive férocité de Poelvoorde) et rompant dans la deuxième partie, sorte de gigantesque clip psychotronique nourri de visions parfois très belles mais peinant à se dégager de la purée du découpage. Deux films pas tout à fait finis semblent se disputer Atomik circus : le premier, reposant sur une intrigue au cynisme sympathique (Chiasse, un imprésario douteux, drague une jolie chanteuse dans un village de dégénérés envahi par une armée d’E.T. croqueurs de têtes) ; le second, pur exercice de mise en scène, où les deux frères laissent aller leur sens plastique et leur fougue régressive en une succession d’affrontements et explosions kitsch balançant entre série Z gore et comédie musicale déglinguée (la touche Vanessa Paradis, pétroleuse punk qui chante de sa voix fausse à tous les plans).

Jamais l’équilibre n’est trouvé, et pourtant subsiste ici une véritable folie, à même de faire voler en éclats toute logique putassière et mercantile. Visiblement pas encore tout à fait cinéastes, les Poiraud demeurent cependant déjà à mille lieues des pires avatars de la série B nationale, des honteux Morsures de l’aube / Bloody Mallory au creux et prétentieux Saint-Ange. C’est que ce cinéma de la bonne volonté et du geste pur, malgré son schématisme bête et méchant, les trous béants de son récit, contient en lui un venin, une radicalité qui, sans jamais percer tout à fait, réussit in extremis à imposer les frères Poiraud comme militants et activistes encore verts -ce qui au fond est tout à leur honneur- de la cause désespérée du cinéma de genre franco-français.