D’Arsène Lupin, on n’attendait évidemment rien, sinon que le camionneur Jean-Paul Salomé pousse un peu plus loin encore, après l’énormissime Belphégor, ses expériences de fusion entre graille cocardière et ascèse numérique : une esthétique qui serait le fruit exact de l’accouplement entre Vidocq et un épisode de Navarro. Sur ce point, grosse déception puisque Arsène Lupin, malgré quelques occurrences aux visions du Paris numérique qui parfumaient lourdement son Belphégor, trouve dans le cadre aristocratique et féerique de l’oeuvre de Leblanc matière à s’élever bien au dessus de son précédent attentat.

La réussite en revient à une direction artistique plutôt rutilante, témoin d’un équilibre de production étonnant : décors envoûtants, reconstitutions soignée, charmes surannés de la « Belle Epoque ». Les personnages, assez truculents (Arsène Lupin, Pascal Greggory et Kristin Scott Thomas sont remarquables) donnent par instants au film l’épaisseur que la plate réalisation de Salomé tente continuellement d’aplanir. D’où l’impression surprenante d’assister, jusqu’au deux tiers du film, à un divertissement honnête, enlevé de temps à autre, assez fluide, calibré à la mesure de ses maigres ambitions artistiques. Mais un blockbuster français ne serait pas tout à fait normal s’il ne cédait pas, à un moment ou à un autre, à une logique de l’aberration pure et simple. Ce n’était que partie remise : dans sa dernière demi-heure, le gros Boeing Lupin pique du nez et s’étale de tout son long, explosant de manière complètement irrationnelle en une multitude de rebondissements pathétiques.

Dans ce détraquement général, la mise en scène déficiente de Salomé reprend du galon, écrabouillant tout sur son passage : acteurs, décors, intrigue ployant sous les effets de pyrotechnie les plus archaïques. La magie des thèmes inhérents au film de gentleman cambrioleur -légèreté, roublardise, charme et sensualité des dérobades et des fuites- s’efface alors complètement du projet. Preuve que les quelques bonnes idées du films sont la seule illusion, heureux hasards ou laborieux équilibre prêt à rompre à la moindre occasion, d’un film resté in fine à l’état de brouillon de ce qu’il aurait dû être.