Luigi (S. Castellito) est un détective privé engagé par son ami Lindien (J-F Stévenin) pour retrouver sa maîtresse et future femme, France (S. Kiberlain), partie sans laisser de trace. Construit sur le modèle du road-movie, le film suit l’enquête de Luigi et prend la forme d’une reconstitution du parcours de l’héroïne. La structure même du film reproduit narrativement ce schéma par ses oscillations temporelles brillantes entre l’enquête de Luigi et les retours dans le passé de France. Si la présence de France est éclipsée au début du périple du détective, c’est pour mieux attiser notre envie de la connaître. La première apparition de celle-ci est quasi symbolique et résume la dramaturgie du personnage. France Robert est une jeune fille qui court, après un chronomètre d’abord, mais surtout loin de quelque chose, et sa course à pieds prend alors des allures de fuite. Mais pourquoi France Robert s’échappe-t-elle de ville en ville, de rencontre en rencontre, d’amant en amant ? Quel est son mystérieux fil d’Ariane que Luigi essaie de découvrir, de plus en plus fasciné par les traces laissées par la jeune femme ?

Avec son deuxième film (après le très beau En avoir ou pas) et toujours en compagnie de l’actrice Sandrine Kiberlain, Laetitia Masson semble aller encore plus loin dans le regard qu’elle porte sur la vie et les rapports humains. La trajectoire de France symbolise sa quête vers une liberté impossible. Par la fuite géographique et sentimentale, elle s’essaie à l’enivrante utopie d’une vie sans attache, comme pour conjurer le mauvais sort qui semble être jeté sur la nature de nos liens humains. Au fil des personnes rencontrées, et aux vues des villes traversées, correspondent des moments d’arrêts, des étapes, que le montage lie avec une grande finesse pour donner corps au propos du film. Ces parties forment un tout car elles stigmatisent ce que ressent l’héroïne ; les relations humaines sont un grand jeu dont les cartes sont par essence truquées dès l’origine. L’instrument de cet universel truquage est l’argent qui vicie par son omniprésence toutes les rencontres du film. Pour ne pas souffrir, France choisit de partir. Non pas désabusée comme l’est Luigi, car elle est trop jeune – il semble que la jeune fille soit au contraire dotée d’une lucidité effrayante par son absolu (voir la scène où elle fait payer son premier amant en cash parce que de toute façon ça équivaudrait à un restaurant et des fleurs !). Dépourvue de tout espoir sur la relation amoureuse, elle rejoint par sa désillusion le pessimisme de Luigi, et c’est là que le rapprochement, par le montage parallèle des deux personnages, prend tout son sens.

Le seul reproche que nous puissions formuler à l’encontre de Laetitia Masson c’est de ne pas être allée au bout de sa vision pour finir par une sorte de happy end qui nous fait presque douter de sa véracité tant il paraît improbable dans l’univers qui a été développé précédemment. Comme pour modérer son pessimisme, elle fait s’unir les deux personnages pour nous suggérer que l’espoir est peut-être possible parmi tout ce qui est « à vendre »…