Pour évoquer la vie de trois sœurs à Hanoi, le cinéaste fait preuve d’une grande exigence formelle. A travers des plans extrêmement composés, plastiquement parfaits et une caméra le plus souvent immobile, Tran Anh Hung décrit l’existence harmonieuse -du moins en apparence- de trois femmes. Bouquets d’arums savamment disposés, fruits exotiques stratégiquement placés, aucun détail n’est négligé. Chaque objet trouve sa place, au millimètre près, dans le cadre. Pour le cinéaste, ce décorum n’est évidemment qu’une façade, la traduction d’un idéal à atteindre. Car si les trois sœurs aspirent au bonheur conjugal et familial, chacune d’elles par ses actes, ses sentiments apporte une note dissonante à cet ensemble harmonieux.

Le visuel n’est qu’un absolu, la traduction d’un désir de perfection qui est tempéré par la réalité ; l’existence d’un amant, l’absence répétée d’un mari qui a eu un enfant avec une autre femme, la tentation de l’adultère ou encore la relation ambiguë, aux frontières de l’inceste, entre l’une des sœurs et son frère. Progressivement, les images laissent transparaître la véritable intimité de ces trois femmes. Une telle cohabitation entre vie et idéal de vie aurait pu être particulièrement féconde mais Tran Anh Hung en véritable iconolâtre n’aspire qu’à la belle image. Le plan au lieu de servir de contrepoint productif envahit le scénario -pourtant habilement agencé- puis le film dans son ensemble. A tel point que l’on finit par se demander si le décorateur n’a pas pris la place du réalisateur. Le souci de la perfection tourne rapidement à la maniaquerie, la splendeur plastique d’A la verticale de l’été finit par nous asphyxier. Avec ses images de papier glacé, le film donne alors la désagréable impression de n’être qu’un prospectus sur le Vietnam à destination des festivals internationaux, exotique à souhait et on ne peut plus académique.