Des baroudeurs osent le casse d’une réserve d’or en Guyane avant de s’enfuir dans la jungle, flics et truands à leurs trousses. 600 kilos d’or pur souligne la terrible désorientation du cinéma d’aventures français des dix dernières années, condamné à en faire des caisses (Michel Vaillant, Le Pacte des loups), ou au contraire, à se réfugier dans une humilité qui confine au néant, comme ici. Théoriquement, le film d’Eric Besnard aurait pu s’y retrouver, principalement grâce à un scénario bien ficelé, ligne claire parsemée de balises saines et dynamiques : paysages sauvages et envoûtant, hold up, traque, huis clos, symbolique efficace de l’or, il y avait de quoi garantir le divertissement minimum. Le film se situe finalement un cran en dessous, entre le trekking Nouvelles Frontières et le dépaysement télévisuel d’un Ushuaïa.

Plus que l’intention, c’est donc la mise en scène qui peine cruellement. La gestion du temps, surtout : on sent que le récit ne demande qu’à s’emballer, mais non, rien à faire, les images défilent sur un rythme égal, qu’il s’agisse d’une banale discussion en champ contre-champ, ou d’un hold-up réglé au millimètre. Le casse achevé (morceau de bravoure rythmé comme une baston de retraités malgré les poses de bombes, le timing serré et les mitraillettes ennemies), le film n’avance plus que par l’exotisme de ses plans cartes postales : marches dans la jungle, tension au sein du groupe, fièvre de l’or. L’action à son stade le plus embryonnaire : quand faut y aller, Besnard y va en traînant les pieds (les luttes dans la boue, ou autres interventions d’autochtones amazoniens frôlent le nanar) et s’il peut éviter, c’est encore mieux.

Parti pour jubiler, le film fuit ce qu’il est venu chercher, éludant des pans entiers d’action comme cette ellipse très révélatrice : touché par les balles ennemies, l’hélicoptère des héros pique dangereusement au-dessus de la jungle. Plan suivant, l’engin s’est tranquillement posé au bord d’une crique. Résultat des courses : un joli panoramique embrassant la nature sauvage, là où on nous promettait de l’aventure et de l’adrénaline. Idem pour l’envoûtement, Besnard réussissant la prouesse de filmer la Guyane comme s’il s’agissait de la forêt de Rambouillet, plus justement comme un vulgaire touriste qui aurait dévalisé le rayon camping sauvage du Décathlon de Cayenne. Il faut voir la dégaine du casting, et le casting lui-même, si franchouillard qu’il pourrait signer illico pour un remake des Bronzés – mais pourquoi donc filer à Gérard Klein un rôle de pilote d’hélico long d’une minute et demie ? Verdict : iI y a moins de souffle épique, de sauvagerie et d’hostilité dans 600 kilos d’or pur que dans le moindre plan de coupe du plus anodin des films de cannibales italiens des seventies.