21 tonnes, deuxième film du Mexicain Alejandro Gonzales Iñarritu, révélé par Amours chiennes, parle de l’amour, de Dieu, du hasard, de la drogue (c’est pas bien mais ça soulage), de la rédemption, de la vie également, et puis aussi de la mort, et puis aussi du pardon, de l’espoir, et encore de la culpabilité, de la maternité, de l’âme, de la condition humaine (quand même), de la solitude et des tombolas. Le tout brassé dans un film-bétonnière où, belle audace, la pellicule est granuleuse ; où, audacieuse audace, la caméra est tenue à l’épaule ; où, suprême audace, le récit est diffus, explosé comme les pièces d’un puzzle à reconstituer par un spectateur bluffé (c’est la déconstruction, un truc moderne). Il y a des acteurs au travail, très pros. Et puis des scènes-chocs, à la pelle. Et un cinéaste qui a une vraie vision-du-monde, lucide et tout. Attention talent. Iñarritu, c’est du virtuose, du film coup de poing, un peu world mais pas trop -après un premier film au pays natal, passons aux choses sérieuses : à nous deux l’Amérique.

2h04, c’est bien, ça fait grand film. On ne comprend rien au début, c’est fort : qui est qui, qui aime qui, qui tue qui. Et puis ça se met en place. Alors voilà le synopsis : une ex-junkie perd mari et fillettes dans un accident de voiture causé par un ex-taulard ne jurant que par Jésus. Un grand malade attend une hypothétique transplantation cardiaque et cet accident, qui lui vaut un coeur presque tout neuf, est pour lui un miracle. Ces trois personnages vont se croiser, plus ou moins volontairement, le temps que le film règle leur compte à tous les thèmes cités plus haut.

Sean Penn rumine son désespoir près d’une piscine vide crasseuse, Benicio Del Toro abîme au fer rouge la croix tatouée sur son avant-bras : la mise en scène distribue des images signifiantes pour les étourdis qui n’auraient pas compris que le récit, autocuiseur à négociations existentielles, délivre un message. En l’occurrence qu’il faut donner un sens à son existence (ben ouais) et qu’on ne peut pas vivre sans un minimum d’espoir (ben non). Elle est pénible, cette boulimique dissertation où le réalisateur n’aime rien tant que jouer à la marchande (marchandages en tous genres où l’on se refile pardon, conscience et rédemption comme des billets de monopoly). Marre enfin de ce cinéma péteux, des ces petits champions de l’esbroufe assez racoleurs en vérité dans leur manière de dispenser des cours de philo pour les nuls du haut de leur piédestal auteuriste, drapé dans un pseudo formalisme bourrichon, épaté par leurs coups de force autoproclamés. Mais 21 grammes, c’est du film d’auteur. Et le film-d’auteur, même en conserve, ça rigole pas.