17 fois Cécile Cassard : titre mystérieux pour film en quête d’étrangeté. On pourrait vite fusiller le premier long de Christophe Honoré, s’en gausser comme d’une mauvaise toile pompière, car cet objet-là, dans sa volonté de ne ressembler à rien, finit par convoquer tous les artifices du cinéma post moderne (un peu de Grandrieux par ci, beaucoup de Lynch par là), profondeur et majesté en moins. Qu’est-ce qui, alors, résiste et nous rattache à l’écran, nous pousse à une certaine contemplation fascinée sans que nous ne soyons jamais dupes de ce collage maniériste ? Béatrice Dalle en icône lessivée, du spleen plein les yeux ? La danse d’un trio amoureux dans le couloir d’un hôtel désert ? L’alchimie miraculeuse entre la musique et l’expression des corps ? Oui, tout cela, et plein d’autres choses encore, des instants souvent infimes, sans conséquences, qui n’ont de valeur que par l’instantanéité de leur émotion, nimbés d’un charme ô combien fragile et subjectif.

Les limites du film, et son (relatif) intérêt, tiennent surtout à la teneur quasi fantomatique de sa protagoniste, cette Cécile Cassard qu’Honoré fantasme en héritière de Demy (cf Roland Cassard, figure récurrente de Lola et des Parapluies de Cherbourg) mais qui, au fil des images, s’avère n’être qu’un leurre. Qu’importe ce récit d’une jeune veuve qui largue son gosse pour s’inventer une nouvelle existence : le désir, le musical et la vie sont définitivement ailleurs, du côté des garçons. Le personnage de Béatrice Dalle, sa présence même, ne fonctionne qu’en tant que caution hétérosexuelle, seul rempart à un univers peuplé d’éphèbes lascifs, d’homosensualité et d’imagerie queer (minets baroudeurs, marins sauvages : Genet et Cocteau sont partout). Options à prendre ou à laisser (nous, on est plutôt pour) mais pas franchement assumées, comme si Honoré avait rêvé d’un film de folles total (il faut voir Romain Duris imiter Anouck Aimée…) avant de le masquer par une intrigue plus classique, un faux portrait de femme en forme de puzzle poseur. Qui est Cécile Cassard ? Peu de réponses, la créature restera opaque jusqu’au bout, vague chimère poétique (le réalisateur est aussi écrivain) mais vrai réflecteur d’une lumière et d’une beauté exclusivement viriles, sur lesquelles la silhouette de Béatrice Dalle est condamnée, non sans élégance, à glisser.