Publiés à partir des années 1970, ces récits montrent une variété frappante de graphismes, et les inévitables recherches stylistiques d’un itinéraire, autant peut-être qu’une nécessaire adaptation aux identités marquées des journaux qui ont accueilli ces pages (Libé, Métal Hurlant, (A suivre)…). La fascination de Ted Benoit pour les Etats-Unis et l’underground californien – il lettre et met en couleurs quelques planches de Crumb dans Actuel – ne l’éloigne pourtant pas d’une bande dessinée réaliste : il revendique un temps l’influence de Giraud pour les hachures, Tardi pour les aplats, et bien sûr Swarte, l’inventeur de l’appellation populaire qui caractérisera bientôt le style des héritiers d’Hergé. En toute logique, le Hollandais préfacera d’ailleurs en 1980 le manifeste Vers la ligne claire.

 

Encore assez loin de la reprise future de Blake et Mortimer, l’auteur semble avoir à cœur de représenter la solitude et la mélancolie, et l’absurdité des dialogues dit toute la difficulté de sortir d’un enfermement qui perturbe la communication de ses personnages, quand par exemple le playboy Ray Banana, le plus connu d’entre eux, aspire à la célébrité des vedettes ou des héros de papier avant de s’éveiller de sa rêverie. Cette anthologie subjective, qui suggère aussi de relire Berceuse électrique et Cité Lumière (les deux longs récits de Ray Banana, où la recherche de la perspective paraît presque obsessionnelle), est entrecoupée de souvenirs et de considérations sur la technique, qui basculent de temps à autre dans l’essai, proposant au-delà de l’empirisme d’accrocheuses esquisses de théorie de la bande dessinée.