Pascal, mon amour,

J’ai tantdé de choses à te dire que, vois-tu, je ne sais par où commencer… J’ai réfléchi à ce qui me plaisait tant chez toi, et surtout, à ce qui rend ta présence aussi unique qu’indispensable. Il y a en effet, pour moi et sans doute pour quelques autres, un avant et un après Pascal Brutal. Ce qui m’a séduite de prime abord, ce ne sont pas juste tes accessoires trop proches de l’époque actuelle (toi, tu viens du futur, mais dans mon monde, les baskets torsion et la gourmette sont encore trop has-been ou typées, et pas assez oubliées pour devenir hype, mais ça ne devrait pas tarder à changer, après tout, le futur, c’est toi), ni ta coupe de cheveux d’inspiration militaire, ton bouc qui te donne un faux air de Jean Reno ou même ton tarin pourtant magnifique, survivance de la fière culture franco-française classique (Cyrano n’est pas loin).

Non, ce que j’apprécie plus que tout en toi, c’est cette humanité si fraîche, si spontanée, ta capacité à taper comme à aimer en y mettant tout ton coeur, sans chichis ni retenue. Ce côté entier qui fait ton charme brut n’empêche pas ta personnalité de se révéler, au fil de tes aventures, d’une complexité surprenante. Oui Pascal, tu es toujours là où on ne t’attend pas. Viril au point de passer pour macho, te voilà pourtant sans cesse la proie de pulsions homosexuelles. Tu n’hésites pas, d’ailleurs, avec la force de caractère qui te définit, à passer à l’acte, même si tu n’apprécies pas spécialement d’aborder le sujet. C’est sans doute l’un des seuls verrous psychiques qu’il te reste à faire sauter avant de pouvoir atteindre une sagesse proche de celle de Bouddha. Mais tu n’en es pas loin, courage !

Autre surprise, de ta part, cette ultra-sensibilité qui se manifeste dans des situations où tes comparses masculins ne sont pas là pour exciter ta déjà remarquable production de testostérone: je parle ici du Pascal intime, pas de celui qui fait jouer ses muscles dans les embrouilles et les règlements de compte. Quoi de plus touchant qu’un Pascal, emmerdeur-type de salle de cinéma, pleurant soudain devant des photos de chatons ? Et cette générosité qui est tienne, toi qui par amour pour ton prochain, dilapide un jackpot durement gagné au casino pour payer une tournée générale… Un trop grand besoin d’être aimé, Pascal ? Mais ne l’es-tu donc pas assez ? N’as-tu pas une maman formidable, même si ses goûts en matière d’homme te paraissent, forcément, discutables ? N’as-tu pas un sosie – maigrichon, certes – transi d’amour, le dénommé Pascal Fatal ? Et toutes ces femmes, et ces hommes – et sans doute ces animaux, lapins, chiens, taureaux… – qui ne rêvent que d’une chose: que tu les honores de ta virilité pimentée (impossible d’oublier que ton liquide séminal est si riche qu’il présente parfois « une forte concentration de capsaïcine, la molécule du piment »), que tu les serres dans tes bras jusqu’à l’étouffement (ta seule présence ne provoque-t-elle pas des orgies ?), toi le grand tendre qui aime tant les accolades entre mecs, nus dans les vestiaires du club de sport – tout est bon pour se papouiller, hein, avoue ! Et à commencer par soi-même: ta riche vie sexuelle riche n’empêche pas le plaisir solitaire de demeurer ta madeleine de Proust, ton petit nananan à toi. Ne dit-on pas que pour aimer les autres, il faut d’abord s’aimer soi-même ? Ah ! Si tu pouvais baiser tout le monde, Pascal, il n’y aurait plus de guerre nulle part sur la planète ! A ce propos, un jeune homme n’est-il pas tombé dans l’intégrisme religieux parce que tu l’avais repoussé? Tu vois, quand tu refuses ton amour, la catastrophe n’est pas loin… Continue, Pascale, de faire oeuvre de salubrité et de sécurité publique.

J’admire aussi ton intégrité morale, qui te pousse à monter au créneau lorsque tu fais face à n’importe quel crétin fanatique, ou crétin tout court, de tous horizons : blaireaux du Sud, bretonnants excités ou crypto-punks neuneus du Nord, trop sûrs de leur bon droit dans la croisade qu’ils mènent – que ce soit celle d’une Bretagne pure ou une banale envie de pisser. Sous tes dehors adulescents, tu es un homme à principes, dont le premier est « ne pas déranger ». Oui, comme tout spécimen humain du XXIe siècle qui se respecte, ta principale raison d’être est d’abord ta satisfaction immédiate, mais comment te le reprocher ? Dans un monde à l’ultra-libéralisme triomphant, dans une France du chacun pour soi, où règne en maîtres la violence, le shit et Alain Madelin, toi, au moins, tu as choisi ton camp: le shit et ta pomme. Né dans une époque nihiliste, tu en es, fatalement, le pur produit, dans sa version la meilleure : apolitique mais justicier à tes heures perdues. Un homme caméléon, capable de s’adapter à toutes les situations, mu par un instinct de survie phénoménal. Cette époque qui est la tienne, tu la comprends parfois finement: ainsi tu refuses d’aller casser la gueule aux frangins surprotecteurs de la jolie Naïma, pour lui éviter de perdre son emploi. Ce n’est pas juste par souci de ton image, même si cela t’importe beaucoup, mais par souci de ton prochain. Ta générosité serait-elle le dernier rempart à la fin du monde civilisé, au grand chaos final ?

Certes, on peut s’attrister en constatant que la seule voie qui se présente à nous, aujourd’hui, d’une forme d’altérité (que tu incarnes à ta façon) soit celle d’une marginalité plan-plan et épanouie, d’une rébellion au cas par cas. Mais n’a-t-on pas les héros que l’on mérite ? En lisant tes aventures, je vois se dessiner, déjà, dans la France sarkoziste du présent, celle de demain, la tienne. Au moins cela nous éclaire-t-il sur notre époque. En cela, Pascal, tu nous montres la voie de notre avenir, et nous offre ainsi la possibilité d’y réfléchir. J’ose le dire: tu es notre Néo à nous, notre Néo-derthal, « celui qui nous montre la voie de l’homme moderne ».

Puisse ta présence salvatrice nous accompagner sur le périlleux chemin de l’avenir le plus longtemps possible.

Eternellement tienne,