Comme une rivière raconte un père et son fils. Deux amis se souviennent d’un troisième et partent en Week-end avec préméditation. Chacun de ces héros cherche à comprendre à quand remonte ce silence de plomb. Chacun voudrait briser la glace, trouver les mots pour mieux vivre le manque. Tous voudraient secrètement partager le deuil pour alléger leur conscience et pour retrouver confiance. Mais le malentendu est profond et le temps s’est chargé de l’opacifier encore un peu plus…

Wazem signe ici deux nouveaux albums très touchants. Les histoires qu’il raconte, les problèmes qu’il soulève évoquent une souffrance connue de tous, même si les circonstances ne sont pas forcément les mêmes. Sentir que l’on est passé à côté d’un être cher… Que l’on peut être responsable de la dérive d’un autre… Que l’on n’a pas su décrypter un SOS trop discrètement lancé… Parfois, une parole, un acte infime peuvent faire basculer les rapports. Parfois le seul aveu d’impuissance, de désarrois, ou de compassion peut changer la donne et ouvrir de nouvelles perspectives.

Les personnages de Wazem s’aiment profondément. Comme une rivière raconte l’histoire d’un fils qui revient voir son père Vladimir après sept ans d’absence et le deuil d’une mère. A dix-huit ans, il est un brillant élève des beaux-arts de Moscou, et sent que le moment est venu de se tourner sur son passé et de revenir sur le lieu de son enfance. Rien n’a réellement changé, seul Vladimir a pris quelques années et s’est enfermé dans un mutisme désespéré, proche de la folie. Livré à lui-même, capitaine d’un vaisseau en pleine dérive, le vieillard attend son heure. Le temps, les déchirements et la mise à l’épreuve d’un amour filial vont venir à bout d’un drame qui semblait imminent… A l’instar des coups de serpes nécessaires à fendre le bois, les dessins de Wazem, à coups de traits précis et secs, expriment à merveille la violence et l’intensité des rapports entre ces deux êtres.

Pour sa deuxième histoire, Pierre Wazem confie les dessins à Tom Tirabosco. Toujours dans la même intimité et proximité, les deux personnages de Week-end avec préméditation revivent le suicide de leur ami. Partis pour comprendre et exorciser une culpabilité confuse et tenace, Serge et Igor décident de faire un pèlerinage sur les traces de Mathieu, ou plutôt de son fantôme. Le choix de Tirabosco est tout à fait adapté à l’univers que Wazem a voulu créer. Dans la même veine que Le Colporteur, le dessinateur s’est attaché à rendre les personnages à la fois oniriques et lumineux. Son trait, tout en subtilité, jouant de l’ombre et de la clarté, sert l’intrigue et renforce les paradoxes auxquels sont confrontés les deux survivants d’une triste randonnée.