Osamu Tezuka, le « Dieu du manga », est à la mode. Dix ans après les premières publications dans l’indifférence quasi-générale chez Glénat (Le Roi Léo, Black Jack et Astro boy, les deux dernières ayant été interrompues) et Tonkam (L’Histoire des trois Adolf, Phénix), chacun y va de son Tezuka : Tonkam réédite Bouddha en collection Deluxe, puis publie MW et L’Arbre au soleil ; Asuka, en première ligne depuis la parution, relancée en 2004, de Black Jack et de l’anecdotique Nanairo Inko, garde le cap avec Vampires et L’Enfant aux trois yeux ; Delcourt, après le best-seller Ayako, a exhumé une autre pièce de choix répondant au doux prénom de Barbara, puis annonce Kirihito, tandis que Casterman a commis une hagiographie du maître réalisée par Tezuka Production. C’est maintenant au tour de l’alternatif exigeant Cornélius, avec Le Prince Norman, et enfin, du mastodonte boulimique Soleil, de puiser dans la manne, avec Unico et Princesse Saphir. Pourquoi les éditeurs se priveraient-ils de surfer sur la reconnaissance tardive de cette personnalité incontournable de la bande dessiné, alors qu’il y a, en plus, de la matière ?

Le hic, c’est que ce « Tout Tezuka » conduit à des pioches qui ne méritent qu’un intérêt poli. C’est le cas de Princesse Saphir, l’un des premiers shojo -ou BD pour jeunes filles- de l’Histoire. Touche-à-tout compulsif, Tezuka a ici voulu charmer les adolescentes. L’exercice, s’il n’est pas dénué de sens, accuse maintenant sa quarantaine d’années. Reprenant les canons des contes occidentaux, Princesse Saphir narre les pitoyables aventures d’une princesse de royaume d’opérette. (Mal) aidée par un ange -Dieu lui-même apparaît, Père Noël sans bonnet ni manteau-, la pauvre Saphir subit les brimades d’intrigants et de sorcières en versant des larmes sur son impossible amour pour le prince du pays voisin. C’est gentillet, à l’image de son héroïne, digne aïeule de certaines protagonistes des manga d’aujourd’hui, pas très éveillées mais qui passent, en comparaison, pour des flèches. Autre signe des temps qui changent, ce récit aux intentions pseudo-féministes -faire d’une jeune fille travestie en homme l’héroïne active d’un récit- est d’un sexisme parfois ouvertement agressif, dont ni les hommes ni les femmes ne sortent grandis, à l’image de la bataille rangée opposant les servantes hystériques à leurs époux benêts. On trouvera quelque consolation, loin de ces clichés prétendument comiques, dans les bras de la malicieuse Hekate, fille de sorcière, et de la courageuse bretteuse Friebe, séduisants modèles d’indépendance. S’il peut intéresser les passionnés désireux de se documenter sur l’histoire du manga, ce shojo désuet risque cependant de faire bailler aux corneilles les lectrices de Fruits basket ou Ayashi no ceres.