Il escalade les plus hauts sommets du monde à la seule force des bras et maîtrise mieux que quiconque les secrets de la haute montagne. Un sauvetage impossible ? Une ascension à haut risque ? K représente le dernier recours. Retiré dans un village de l’Himalaya, il voit venir à lui les hommes les plus puissants, implorant son aide afin de récupérer un magot échoué sur le toit du monde, ou de secourir un fils inconscient. Mais ce n’est ni l’appât du gain, ni l’orgueil qui le guide ; ce qui le pousse à relever les défis les plus fous, c’est l’appel impérieux de la montagne.

Quelques années avant d’entamer le Sommet des Dieux, Jirô Taniguchi s’était déjà consacré à une série sur l’alpinisme, sur un scénario de Shiro Tosaki. K est composé de cinq chapitres seulement, regroupés en un gros volume, entraînant ce grimpeur solitaire vers les plus hauts sommets de la chaîne himalayenne -K2, Everest, etc.-, dans des conditions de préférence ultra-dramatiques. Un personnage qui s’inscrit dans une double filiation, typiquement nippone : celle de Black Jack, le médecin misanthrope créé par Osamu Tezuka, personnage hautement romantique qui, comme K, vit coupé du monde, accomplissant dans l’ombre sa propre justice ; celle également de Golgo 13, le tueur à gages animé depuis bientôt quarante ans par Takao Saito, dont il partage le professionnalisme quasi-surnaturel. Car des miracles, K en accomplit à la pelle : qu’il s’agisse d’escalader une paroi aux contreforts inversés, ou de résister aux températures glaciaires créées par un phénomène atmosphérique rarissime, il trouve toujours la solution in extremis, avec ce qu’il faut de crédibilité documentaire de la part des auteurs pour que subsiste le doute dans notre esprit: tout cela est-il vraiment possible? Cette incertitude participe du mythe, K s’affirmant comme un véritable héros moderne -à côté de lui, le Ethan Hunt de Mission : Impossible est un petit joueur-, avec suffisamment de mystère (qui est-il vraiment?) et d’humanité pour le rendre intéressant: l’une des histoires le montre pétrifié par la peur, se réfugiant dans l’alcool plutôt que d’entamer une ascension impossible.

Mais d’où K tire-t-il sa force? C’est là où cette série se distingue fondamentalement du Sommet des Dieux -qui relate la trajectoire autodestructrice d’un alpiniste sacrifiant son existence à sa passion-, révélant sa profondeur sous-jacente : K voue en effet un respect quasi-mystique à la montagne, et s’il s’en tire à chaque fois, c’est parce qu’il sait percevoir ses mouvements les plus infimes, et se soumet avec humilité à sa volonté toute puissante. Cette conception animiste de l’univers -par laquelle l’homme abandonne tout sentiment de supériorité vis-à-vis de la nature, pour mieux se fondre en elle- imprègne K de bout en bout, transcendant les clichés éculés de la littérature populaire pour atteindre de purs moments de grâce.