Des flics recueillis, un commissariat silencieux. Au milieu de la pièce, l’inspecteur Bun s’empare d’un couteau de boucher et poignarde frénétiquement le cadavre d’un cochon pendu au plafond. Il réfléchit. Au nouveau stagiaire, il demande de l’enfermer dans une valise et de le balancer dans l’escalier. L’enjeu, résoudre l’affaire du cadavre dans la valise. Bun valdingue dans l’escalier, puis on le sort de sa boîte : il a trouvé le coupable. Bun est médium. Arrive un banc-titre : « mad detective ». Voilà un titre en adéquation avec son personnage. Mad detective est une enquête policière menée par le stagiaire devenu titulaire et son maître, le medium Bun : un pistolet disparu (comme dans PTU) qui semble mener une vie parallèle depuis qu’il a quitté l’étui de son propriétaire, un flic louche. Louche, comme Bun, inspecteur maboul qui emmène l’ensemble vers une comédie de carnaval autant que vers le film de fantôme car Bun, c’est son secret, voit le ou les démons qui escortent chacun d’entre nous. Ses visions investissent l’écran, selon que l’on se place ou non de son point de vue. A la manière d’une parade miyazakienne, voilà les sept facettes de la personnalité du suspect qui se baladent autour de lui, ou s’engouffrent comme des sardines dans une voiture. La légèreté avec laquelle Johnnie To traite cette idée proprement fantastique (rattachée à la tradition horrifique des films de fantômes, plutôt japonaise) fait l’attrait du film, sans cesse plongé dans la confusion (des visions, des faux semblants) jusqu’à un finale avec galerie des glaces et suspension dans l’hésitation.

Johnnie To aime à construire des films (ses plus réussis) sur des motifs graphiques simples, basiques : temps morts de The Mission, ville abstraite de PTU, trop plein de corps et de visions dans Mad detective. Dans le cinéma d’exploitation hongkongais, les histoires de flics ou de voyous sont interchangeables, et pour To, le prétexte à de telles expériences sur l’oscillation entre vide et plein qui semble par-dessus tout l’attirer. Dommage qu’il fasse toutefois certaines concessions à son scénario, lequel s’embrouille, et le film avec.