Il ne perd pas de temps, Christian Scott : pile un an après Rewind that, premier album pêchu qui l’avait inscrit au répertoire des talents à suivre (top 10 des nouveaux loups pour le magazine Billboard, presse positive, éloges des confrères et, mais oui, présence au casting du prochain Soderbergh, avec Clooney et Zellweger !), le jeune (il a 24 ans) trompettiste néo-orléanais revient avec Anthem, un disque entièrement inspiré par la catastrophe qui a frappé sa ville natale et à la manière dont elle a joué sur lui, son tempérament, voire son approche de la musique. « Ma vie a complètement changé, explique-t-il. Les compositions, ici, ne traitent que d’un seul sujet. Il y a de la politique dans Anthem, de façon sous-jacente. Une chose est certaine : la maison dans laquelle j’ai grandi n’existe plus. Il n’y a plus aucun foyer dans la neuvième circonscription ». Maturation ? Une écoute comparée de Rewind that et de Anthem permet sans doute de déceler les signes d’une évolution, mais il faut bien admettre qu’ils ne sautent pas immédiatement aux oreilles. Dans l’ensemble, Scott continue de jouer sur le terrain balisé dans son premier disque, celui d’un jazz musclé (on parlerait volontiers de « jazz-rock ») imprégné de groove et, lointainement, de hip-hop, impeccablement produit (léché, pour tout dire), aux limites du smooth parfois. Marcus Gilmore a remplacé Thomas Pridgen aux baguettes, Aaron Parks a pris la place de Zaccai Curtis au piano et aux claviers ; Luques Curtis, rescapé du premier album, partage sa basse avec Esperanza Spalding ; outre Walter Smith III (ténor) et Louis Fouché (alto), le soliste le plus exposé est de nouveau le guitariste Matt Stevens, toujours aussi électrique et puissant, au risque, hélas, de colorer tout l’album de la même peinture. Scott, lui, se fait plutôt discret, jouant tout en retenue de sa sonorité veloutée et entière, n’explosant que dans le dernier morceau, où il partage la vedette avec le rappeur Brother J. Sombre, l’ambiance générale est aussi un peu monochrome : les thèmes se ressemblent, guère originaux, orchestrés de manière efficace mais souvent semblable (le piano métallique, profond et insistant de Parks, les riffs de Stevens) ; l’album coule de manière équanime sur des tempos moyens qu’assène sans grande originalité la batterie groovy de Gilmore. C’est loin d’être désagréable, mais cela ne suffit pas à passionner, en dépit de la charge émotionnelle liée au traumatisme néo-orléanais qu’on devine en creux tout au long du disque.