Voici bientôt cinq ans, Joe Strummer mourait chez lui, à 50 ans, d’une malformation cardiaque jamais diagnostiquée. Voici trente ans, déjà, les Sex Pistols sortaient Never mind the bollocks et les Clash leur premier album. Tous ces anniversaires valaient bien au moins un film sur la fièvre punk, et pour Strummer, un tombeau (au sens musical du terme, of course). Nul autre que Julian Temple ne pouvait se charger de l’éloge funèbre. Compagnon de route du mouvement punk à travers ses films sur les Pistols (La Grande escroquerie du rock’n roll, L’Obscénité et la fureur), mais aussi de quelques fictions oubliables (dont un biopic de Vigo), Temple est un peu le cinéaste officiel du rock.

De ce genre de film – vie et oeuvre d’une légende – on attend quoi ? D’abord des images, des archives. Le film de Temple heureusement en regorge, qui des super-8 de papa Mellor aux backstages des tournées américaines nous conduisent trente ans durant sur la piste Strummer. Une hypothèse narrative ensuite : là, Temple reprend le jeu de massacres qui anima la carrière des Clash (1977-1986), au rythme des exclusions temporaires ou définitives de presque tous ses membres. Sur le versant saga, Temple a tout sous la main, et rien d’autre à faire qu’à suivre ce passage obligé. Reste à apporter une touche au montage des archives et à la narration linéaire (explosion, crise, traversée du désert, come-back, etc.).

Profitant de ce que Strummer a découvert, vers la fin de sa vie, que le feu de camp était une pratique sociale quasi révolutionnaire, Temple convoque autour d’un crépitement de bûches tout un tas d’amis, de musiciens, voire de célébrité dans une ambiance Chamallow et guitare sèche. Et là ça devient un peu gênant, un peu bonus DVD, surtout quand un Bono, un John Cusack ou un Johnny Depp encore déguisé en Jack Sparrow viennent vous expliquer face caméra que Strummer, en plus d’être un type cool, était un super musicos, libre dans sa tête et tout. On ne doute pas que Joe fut un chouette compagnon, mais rien de plus éprouvant, de plus pontifiant et de plus ennuyeux que ces mamours post-mortem. Nul autre que Julien Temple, donc, ou bien si : revenant de Marseille et du FID où était projeté l’électrique D.O.A. (sur le punk en général et la tournée américaine des Pistols en particulier), on ne pouvait que rêver d’une élégie pour Strummer par le réalisateur de ce film et de bien d’autres, Lech Kowalski.