En réalisant Perfect blue, Satoshi Kon avait en tête l’idée d’adapter le thriller du cinéma traditionnel au format du long métrage d’animation. Cependant, plutôt que de chercher à mettre en symbiose l’art du dessin animé avec celui du film policier, le cinéaste japonais a jugé préférable de privilégier le thriller. En optant pour cette démarche, il étouffe malheureusement l’intérêt de son médium de prédilection… Le dessin animé n’a alors plus son mot à dire dans Perfect blue, il est juste utilisé comme support visuel, confiné à un simple instrument technique. Les attraits artistiques qu’il possède se retrouvent ici écrasés par cette volonté de réaliser un thriller classique… Un tel procédé aurait pu être efficace si un véritable travail esthétique avait été effectué afin de mettre l’histoire en valeur. Or, Perfect blue cumule une qualité de dessin médiocre et une animation saccadée.

Sa force majeure réside plus dans l’histoire racontée que dans la mise en scène. Il faut oublier ces défauts accablants pour se concentrer sur les qualités scénaristiques. Alliant une ambiance Lynchienne et certains aspects propres à l’univers de Brian De Palma (le voyeurisme poussé au point où l’agresseur connaît mieux la victime qu’elle ne se connaît elle-même… Plus le processus de persécution se déploie, plus l’héroïne tend à oublier sa propre personnalité.), le film de Satoshi Kon raconte une histoire très personnelle et surtout très dense. Mais celle-ci est sans cesse défigurée par de pesants effets de réalisation. On retiendra, par exemple, toute une série de flash-backs et de flash-forwards montés brutalement afin de déconcerter le public en lui faisant perdre le fil de l’action…
Ce processus devrait être assez puissant pour faire son effet. Son utilisation excessive nous donne pourtant le sentiment d’être abusé par tant de facilité dans la mise en scène. Le spectateur, mené d’une séquence à l’autre entre rêve, réalité, et schizophrénie, se retrouve alors avec la désagréable impression qu’on lui rend volontairement les choses difficiles à suivre dans l’unique but de le flouer…