Allez-vous à la mer cet été?

 Julien : Je ne suis pas sûr de partir en vacances… Ah mais tu fais référence à For Bob ! C’était une chanson qui était pour Robert Wyatt, on voulait qu’il chante. En fait on lui a envoyé toute la discographie d’Aquaserge, il nous a renvoyé une carte-postale en disant, « c’est super, tout ce que vous faîtes, j’adore etc. et si on peut faire un truc ensemble un jour ça m’intéresse. » Il nous a laissé une porte ouverte. Du coup, on lui a renvoyé un morceau, qu’on avait plus ou moins pré-mixé et en fait on n’a pas eu de réponse. Je sais qu’il a des longs moments où il est en dépression, enfin pas en dépression mais il est enfermé, il a son petit bureau et il est comme ça, il écoute de la musique classique toute la journée. Peut-être qu’il aurait fallu lui proposer un peu d’argent, ce qu’on n’a pas fait. Finalement on a décidé de lui écrire une lettre. C’est pour ça que For Bob, c’est une carte-postale sonore adressée à Robert Wyatt. Et on la lui enverra. « Ici il fait très beau, vas-tu à la mer cet été ? Nous allons au Pays Basque, ça nous fera du bien, après ce mois de juin dégueulasse. On voulait savoir ce que tu caches dans ta barbe, tu dois être bien occupé, nous pensons à toi très fort. [Signé] Aquaserge. » Au final je n’ai pas été au pays Basque, j’étais dans des tourments…

Audrey : Mais il y avait vraiment cette idée d’y aller, c’est la vraie vie d’Aquaserge.

Julien : Sinon je ne sais pas si je vais prendre des vacances cet été, j’en doute très fort. J’aimerais bien pouvoir me détendre plus mais… Et vous, vous allez à la mer cet été ?

Audrey et Benjamin : Oh oui !

Benjamin : Moi je suis fanatique, je ne peux pas y aller tout le temps malheureusement, mais l’océan Atlantique, la force des vagues, j’adore, je pourrais rester toute la journée à prendre des raclées. De Toulouse ce n’est pas si loin, mais bon il faut y aller quoi.

 

Quelle est l’histoire de la chanson À l’amitié ? On y entend un certain accent un peu paysan…

Julien : Ça vient de Benji, il voulait faire tout l’album avec les r roulés, mais à la façon d’Aristide Bruant.

Benjamin : Oui ou en tout cas à la façon de l’opéra, ou de la chanson française classique, où les gens roulent les r. Et aussi la façon de parler d’il n’y a pas si longtemps, tout le monde roulait les r. Enfin voilà c’était une idée conceptuelle comme ça qu’on a essayé de faire, et c’est vrai que ça sonne un peu plus paysan. Peut-être parce qu’on ne sait plus rouler les r.

Julien : Pour les paroles, on a gratté des pages et des pages, à jeter, en se disant non c’est pas ça. 30 pages, on écrivait tous les deux, on se mettait la bande qui tournait, on écrivait comme ça et puis on a compilé un peu tout ce qu’on avait.

Audrey : Il y avait cette idée des paroles gelées de Pantagruel aussi, parce qu’Aquaserge c’est une histoire sous-marine tu sais, et on s’était dit que ce disque-là pouvait reprendre l’histoire où nous l’avions laissé sur Ce très cher Serge : le capitaine est tout seul, sous l’eau, il a fui, et il retrouve plusieurs personnes, qui elles aussi ont fui, des rescapés… J’ai bossé sur la réverbération au cinéma, pour un mémoire, et la réverbération c’est une idée qui existait déjà chez Pantagruel : dans le livre de Rabelais, il y a un passage où les paroles sont gelées et elles peuvent ressurgir au moment du dégel. À l’amitié c’est un peu ce moment où ils se retrouvent, une espèce d’osmose. Ils ne peuvent pas se parler, ils sont dans des bulles, ils se voient, ils s’éloignent. C’est aussi raccord avec ce qu’on vivait nous, c’est l’éloignement avec Julien Barbagallo. C’est à la fois un clin d’oeil et ce qu’on vivait. On s’éloigne malgré tout, même si on est là dans une maison ensemble.

Benjamin : C’est cette chanson qui a fait le lien aussi, parce que tous les autres albums sont des albums-concepts, surtout Ce très cher Serge, où il y avait une histoire. C’était notre intention au départ pour À l’amitié et puis au final on n’a pas fait d’album-concept, c’était juste la première chanson qu’on a faite.

Audrey : Les premiers morceaux qui ont été faits étaient là pour compléter, finir, sortir de la mythologie Aquaserge, du sous-marin cigare, du capitaine… Pour en finir et faire autre chose. Faire un monde sous-marin un peu plus abstrait et être moins dans une histoire.

Benjamin : Et ce disque parle plus des rapports humains en fait. Le morceau un peu « porno-sexe », Je viens, ce truc sur l’amitié, For Bob

Julien : Enfin Je viens c’est pas porno du tout, c’est ultra-érotique. Il y a des trucs que je vivais deux jours avant et je grattais ça, des souvenirs un peu érotiques, afin de fixer un moment, une période, pour en finir avec certaines choses. Après je n’arrive plus à me rappeler les autres paroles des morceaux…

Benjamin : Il y a Ceci. Enfin on ne comprend pas les paroles pour le coup là-dessus. Ça commence par des cuivres, ensuite vient le passage très désertique, et arrive sa voix hyper aigüe.

Julien : (se met à chanter) Ceci est un hold-up, rendez nous notre inspiration. C’est parce qu’on n’en avait pas à ce moment-là. Ça faisait partie d’une démo pourrie qu’on a rejoué. Benji faisait les orgues, très cheap, très désertique. Trois bouts de ficelle et une idée à la con. Et c’est la fin du disque.

Audrey : Il met tout le morceau à faire une phrase, c’est hyper étiré.

 Quelqu’un amène une idée plus ou moins finie, et ensuite on commence à poser basse-batterie ou basse-clavier, enfin ce qui nous vient d’abord, sur l’ordinateur. On compose après ensemble en fonction de qui est disponible et a des idées. C’est un peu le bordel.

Et les morceaux d’Aquaserge partent souvent de jeux comme ça ? À la fois des blagues sur les paroles, en y mêlant des choses un peu personnelles aussi…

Benji : Ça part souvent de jeux. Et notamment le EP, Tout arrive…

Audrey : TVCQJVD, tu vois ce que je veux dire ?

Julien : Tout le monde à la Mami disaient TVCQJVD, et moi j’ai fait une fixation là-dessus. Quand on a commencé à répéter en groupe ça m’est venu naturellement de déformer le truc, TVCQJVD, qui était un vieux jeu qu’on faisait avec Hyperclean, de prendre des mots d’une syllabe et de garder seulement la première lettre. Donc à partir d’un moment, on s’est mis à faire des conversations comme ça qui n’avaient ni queue ni tête et au bout d’un moment on ne comprenait plus rien, ça allait très loin. On ne parlait plus que par des mots d’une syllabe, et avec la première lettre. Et là c’est revenu pour ce truc-là, c’était un clin d’oeil à Hyperclean et aux tics de langage de quand tu habites en commun, tout le monde parle avec les mêmes tics au bout d’un moment. Il y a des trucs que t’as du mal à entendre parfois. Ce n’est pas très grave. Du coup c’est bien de le transformer.

Benji : Pour La ligue anti jazz-rock on avait quelques paroles, quelques phrases un peu cucul, et on a eu l’idée de prendre le premier mot de la phrase : tu cherches la définition dans le dictionnaire, tu écris la définition, et ça te fait un texte à rallonge pour dire trois mots. « Un homme marche » par exemple, tu prends la définition d’homme, je sais plus ce que c’est la définition d’homme mais disons : « un être humain qui habite sur la planète terre » etc. Donc ça fait un texte complètement abstrait, à rallonge, un peu lourd, dadaïste et pataphysique.

 

Comment ça se passe pour la composition des morceaux ?

Une fois que tu as enregistré ton effet, on ne peut plus y revenir sinon faut repartir du début. C’est un peu le fonctionnement d’Aquaserge…

Benji : En général, on bosse beaucoup Julien Gasc et moi. Mais pour cet album, ce fut beaucoup plus collectif. Nous avons essayé de composer des trucs tous ensemble. En répétant, en essayant de construire des parties. Quelqu’un amène une idée plus ou moins finie, et ensuite on commence à poser basse-batterie ou basse-clavier, enfin ce qui nous vient d’abord, sur l’ordinateur. On compose après ensemble en fonction de qui est disponible et a des idées. C’est un peu le bordel.

Audrey : Ce qu’il y a de différent par rapport à Ce très cher serge qui était plutôt joué live, c’est qu’il y a eu un gros boulot d’édition après coup, on a jeté des parties, on en a remis d’autres, pour aérer, pour reconstruire un peu.

Julien : Notamment sur Sillage et sur La ligue anti jazz-rock, il y avait trop de longueurs, ça ne marchait pas vraiment…

Benjamin : On a plus enlevé de choses sur cet album. On en a mis beaucoup puis on a enlevé…

Audrey : Ce qu’il y a de super important c’est qu’on a un studio chez nous, donc c’est pour ça aussi que c’est facile de « composer ». Mais cette fois-ci on s’est dit qu’on allait le mixer ailleurs. Et qu’il y ait quelqu’un qui du coup participe au processus de création par le mixage dans un studio différent, avec beaucoup plus de hardwares, du matériel costaud. C’est Angy Laperdrix qui a mixé ça, dans un des plus beaux studios de Toulouse, le studio Condorcet. On a pris le temps. Il y a donc un gros son par rapport à l’autre disque. D’adapter la complexité des compositions avec un mixage plus exigeant. Avant il y avait peut-être plus un côté sophistiqué dans les compos mais le son c’était du fait maison, où du coup tu manques de recul. Et là c’était le pari de le faire faire par une personne extérieure.

Benjamin : Ça fait mal mais c’est bien.

Audrey : On a passé les batteries dans des vraies cabines Leslie, il n’y avait que des effets analogiques comme ça et des supers vieilles machines vintage et tout, on s’est quand même bien amusé à passer les trucs dedans. Ce qui est marrant c’est que ce studio n’a aucun plug-in virtuel, c’est quand même assez hallucinant. Une fois que tu as enregistré ton effet, on ne peut plus y revenir sinon faut repartir du début. C’est un peu le fonctionnement d’Aquaserge…

Julien : Une fois que c’est verni, on n’y touche plus.

Audrey : Le studio Condorcet c’est aussi là où on a enregistré le clip de TVCQJVD, sur lequel on s’est éclaté à faire un travelling circulaire en plan séquence. Et c’est pas vraiment un clip puisqu’on le joue en live. Et du coup on l’a aussi mixé là-bas ce titre. On a fait le clip d’À l’amitié la chanson dans le même dispositif. Deux clips en une journée, deux enregistrements live : rentabilité maximum. C’est notre copain Émile Sornin, de Forever Pavot, qui a réalisé ces vidéos. Il joue  parfois avec nous dans Aquaserge. Il est d’abord réalisateur de clips, il est chez Division.

Concernant la Mami, votre studio et lieu de vie, qui semble assez idyllique au vu des photos sur le site, c’est toi Benjamin qui le gère ?

Benjamin : C’est une longue histoire, on a pris la Mami en 2007, on louait à l’époque. Et après Julien Barbagallo, une autre copine, moi, puis Julien Gasc ensuite, on a continué à faire de la musique là-bas. C’était une grange toute pourrie dans laquelle on avait tout le matos. On s’est dit qu’il fallait construire un studio pour préserver le matériel et pouvoir continuer à travailler, c’est ce qu’on a fait. La partie studio est aménagé dans l’étable/grange et l’autre partie de la ferme c’est pour l’habitation.

Audrey : Ce qui permettait quand nous étions très nombreux dans Aquaserge, à une époque il y avait des cuivres et tout ça, on devait être sept ou huit, de faire des répètes où tout le monde pouvait rentrer. Il y avait deux nanas avec des gamins. Nous pouvions loger tout le monde. C’était tout un truc, les états d’âme de chacun… Tout les groupes américains qui ont défilé au fil des années c’est hallucinant. Ils trouvent que c’est génial, tout le monde veut venir enregistrer là. Genre Lake, Cass McCombs, R. Stevie Moore, Makoto d’Acid Mothers Temple, qui joue sur Ce très cher Serge.

La donne de À l’amitié c’est que tu te rends compte que l’amitié c’est quelque chose de grave, et de périlleux. Et qu’il faut du travail pour garder ça, de chacun. On fait comme on peut, il y a des travaux à faire tous les jours, des trous à boucher entre nous…

Comment vivez-vous ?

Audrey : Ensemble, les uns sur les autres, on s’aime, on se déteste…

Julien : Les problèmes des uns, les problèmes des autres, les problèmes qu’on ne veut plus entendre, les problèmes qu’on a envie d’entendre… La musique, la poésie, le cinéma, les arts.

Audrey : Le potager.

Benjamin : Ça dépend pour qui (rires). Non mais c’est à l’image du groupe. Chacun a sa façon de s’investir ou pas. De vivre là ou pas. D’attendre des choses quand d’autres en attendent d’autres. Enfin c’est le bordel quoi. Mais c’est chouette aussi par moment.

De loin l’Electric Mami Studio me paraissait un peu comme une utopie 70’s…

Audrey : Oui mais ce n’est pas 70’s, c’est une utopie bien 2014.

Julien : Dans les années 70, il y avait de la drogue et du sexe, et nous il n’y a pas vraiment ce côté-là, enfin il y a ça, mais on prend pas tous du lsd, on n’est pas tous avec nos nanas en train de tirer partout. Après avoir discuté avec des mecs comme Amon Düül ou Gong, à l’époque c’était vraiment ça, c’était le baisodrome.

Audrey : On est tout sauf baba-cool. Il y a grosso modo un amour de la musique qui nous a réuni.

Et de la nature aussi un peu non ?

 Benjamin : Pas vraiment, Julien n’a jamais foutu les pieds dans le potager par exemple, sauf peut-être une ou deux fois.

Julien : Enfin j’ai grandi dans la nature.

Audrey : En fait on est tous du sud, et on avait tous envie de se donner les moyens de faire de la musique ensemble, le plus possible, tout le temps. Après il y a eu d’autres gens qui ont habité là, des amis cinéastes, il y avait le côté, on fait tous du cinéma, de la musique… Mais de gens qui sont un peu « économiquement » en marge, et en même temps un désir de créer des choses et de se donner les moyens de le faire. Sans devoir faire des boulots à la con, et pas avoir de temps pour faire ce que t’as envie de faire… C’est quand même assez politique finalement.

Julien : La donne de À l’amitié c’est que tu te rends compte que l’amitié c’est quelque chose de grave, et de périlleux. Et qu’il faut du travail pour garder ça, de chacun. On fait comme on peut, il y a des travaux à faire tous les jours, des trous à boucher entre nous…

Audrey : Aux âges qu’on a, de se dire que quand même on vit ensemble c’est pas par utopie baba cool, mais par désir de créer des trucs, c’est fou ! Il y a une espèce de fascination, nous on ne s’en rend pas bien compte parce qu’on était dedans, mais les gens nous disent souvent que c’est génial ce que nous avons monté. Et nous répondons souvent qu’il y a aussi un côté galère de vivre ensemble les uns sur les autres en permanence. C’est pas toujours là où tu as les meilleures idées pour faire de la musique. C’est pas parce que tu as le studio à côté que tu as des idées. Il y a des moments où t’es à plat. C’est pas pour ça que tu y vas tout les jours non plus à bosser toute la journée. Mais bon on s’est quand même donné les moyens de faire des choses. Julien a fait son disque là-bas en grande partie, on a fait ce disque-là. Il y a eu le April March & Aquaserge, il y a eu Ce très cher Serge… Moi j’ai monté mon film, j’ai mixé plein de trucs là-bas. L’Electric Mami Studio, Bertrand Burgalat disait qu’il fallait faire l’Electric Mami Land. L’endroit est idyllique, isolé, au bout d’un chemin. Tu viens en résidence une semaine, comme beaucoup le font, on loge les gens, t’es isolé de tout c’est super, c’est sûr. Il y a eu un clip tourné à la Mami ! Jonathan Caouette a réalisé une vidéo pour un morceau du April March & Aquaserge. On y joue dehors, dans le jardin.

 Et du prog-rock sinon, vous en écoutez ?

Audrey : Non on s’est retrouvé là-dedans mais sans le vouloir, mon interprétation de la chose c’est que ne faisant ni de la pop anglo-saxonne ni du rock américain, ni non plus du jazz à papa… nous nous sommes retrouvés étiquetés prog parce que nous sommes inclassables. Et quand on veut jouer dans les festivals avant-garde jazz, et bien on est pas assez jazz, si on veut jouer dans les scènes rock, on est pas assez rock, pour les popeux on est pas assez pop… Enfin tu vois il y a un espèce de souci, qui fait qu’on se retrouve dans une marge qui s’appelle le rock progressif, mais qui aujourd’hui en termes de festivals de concerts et tout ça ne nous correspond pas non plus. On s’est retrouvé là-dedans à cause de cet esprit très français de devoir tout classer par genres. Ce qui fait que tu te retrouves en Allemagne dans des festivals de rock progressif, avec tout ces corbeaux portant des crucifix, et tu fais « au secours ! ». Les colliers Magma etc, c’est presque une secte, c’est très dur… Mais évidemment, dans de ce qui a pu se faire en termes d’exploration sonore dans les années 60-70, tout ce qui s’appelle le Rock In Opposition, il y a là-dedans beaucoup de choses qu’on écoute, qui nous intéressent, mais parce que ce sont des gens qui cherchent, à la frontière de pleins de choses différentes. Mais le mot prog c’est un mot qui nous dessert totalement. Personne n’est prog en fait dans le groupe. Moi je viens du punk. Benjamin vient du jazz.

Benjamin : Si moi je suis fan de Zappa quand même

Audrey : Oui mais c’est pas progressif Zappa…

Julien : Alors je vais vous lire un truc, ce que disait Pacôme Thiellement sur la pop music, dans Poppermost, Réflexions sur la mort de Paul Mc Cartney, moi je me considère comme pop, et il dit : « la pop music est une musique populaire, qui à la différence du blues, de la country, du jazz ou du rock, s’approprie des styles de musique différents, sans règle pré-déterminé, et comme au gré du hasard mais se voyant obligé à chaque chanson de s’inventer de nouvelles règles, rythmiques, mélodiques, qui dureront parfois simplement le temps d’une chanson. La pop music met donc en question radicalement la possibilité même du propre, de l’origine, de l’authenticité, et propose à chaque fois de faire de l’artifice, de l’impropre, du déchet une merveille, un devenir, un enchantement, en un mot une expérience sacrée. » Quand j’ai relu ça dans l’avion lundi, je me suis dit qu’on n’est pas si prog que ça. Je pense qu’on fait de la pop.

Chacun a sa façon de s’investir ou pas. De vivre là ou pas. D’attendre des choses quand d’autres en attendent d’autres. Enfin c’est le bordel quoi. Mais c’est chouette aussi par moment.

Quand je parle de prog, j’entends surtout le « bon côté du prog », à savoir l’école de Canterbury : Robert Wyatt, Soft Machine, Egg, Hatfield and the North, Gong…

Audrey : Mais Canterbury justement c’est du jazz-rock. Les festivals de prog aujourd’hui c’est surtout les délires symphoniques et tout ça.

Julien : Tu ne tiens pas dix minutes, enfin moi je tiens pas. Après t’as tout les trucs de papy, Henry Cow et tout ça, là ça me parle un peu plus. Mais c’est plus Rock In Opposition.

Benjamin : Effectivement on vient tous de choses un peu différentes. Il y a peut-être ce mélange là, musicalement.

Julien : Barbagallo vient de l’école de Dante Agostini, une école de jazz-rock. Il s’en est barré après, mais il a appris des trucs qu’il a appliqué à la pop.

Audrey : C’est ce qui fait qu’il adoucit l’histoire dans Aquaserge, les rythmiques compliqués et tout ça, il a pas du tout le jeu d’un batteur, à la Magma, qui va surenchérir sur la complexité rythmique. Aquaserge c’est tout le contraire, tu vas avoir un type comme ça, qui va jouer de façon extrêmement pop des rythmes compliqués, ce qui fait que ça va passer. Par rapport au prog, qui est une espèce de mise en avant de la technicité, ce qui est surtout le cas aujourd’hui, pas forcément toujours à l’époque, où nous au contraire c’est pas du tout ce qui nous intéresse. Même s’il y a des solos de guitare.

On est tout sauf baba-cool. Il y a grosso modo un amour de la musique qui nous a réuni.

Vous revenez de Russie où vous étiez en concert avec Laetitia Sadier, vous faisiez sa première partie ou vous jouiez ensemble ?

Julien : En gros ce qu’on a fait c’est qu’on a joué des morceaux des uns et des autres, on a fait un long programme et ensuite on a fait des ateliers, des nouvelles pistes pour la semaine, des trucs très instantanées pour le show, qui resteront pour cet évènement-là et qu’on aura peut-être en réserve, mais qu’on a pas vraiment enregistré. Après il y avait aussi des moments d’improvisations, c’était un programme assez long, assez lourd, deux heures de set… On a bien dégouliné, bien débordé. Il y a eu aussi des trucs plus intimistes, quand Laetitia chantait toute seule. Moi aussi j’ai fait ça un peu, j’avais fait une reprise de Lake, Dissatisfied, et puis La boucle, Tu m’as quitté, Jouïr.

Benjamin : Nous n’avions jamais joué comme ça. Bon, nous on joue beaucoup ensemble, Julien a beaucoup joué avec Laetitia, et nous avons fait son dernier disque, Silencio, ensemble. Mais il y avait aussi Lucie Antunes, la batteuse de Moodoïd, nous n’avions jamais joué avec elle, jamais joué tout les quatre ensemble. Lucie va remplacé Julien Barbagallo désormais. Enfin en tout cas pour les concerts à venir. Maintenant qu’il est batteur dans Tame Impala, il habite en Australie, on le voit de temps en temps mais il s’est installé là-bas, il a trouvé l’amour…

 

Le site officiel du groupe : 

http://www.aquaserge.com/web/index.php

 

 

Crédit Photo : 

Olia Eichenbaum