Suite des aventures transatlantiques du pianiste français, qui mêle ici au trio de ses précédents albums (François Moutin, contrebasse et Ari Hoenig, batterie) une formation inédite : Sam Newsome (saxophone soprano), James Genus (basses acoustique et électrique) et Abdou M’Boup (percussions). Cardinal points voit ainsi se succéder deux suites distinctes : l’une, qui donne son titre au disque, nous emmène sur les territoires vierges d’une musique chaloupée et colorée ; l’autre, pour laquelle on retrouve le trio que l’on connaît, consiste en une sonate dont on avait déjà pu entendre un mouvement, intitulé Beginning, dans la précédente galette du pianiste, Welcome home.

Deux directions distinctes, donc, à l’image des axes horizontaux et verticaux qui inspirent le titre, encore que liées par un hommage commun à Duke Ellington (une reprise de Mood indigo dans la première suite, un motif récurrent rappelant fortement The Single petal of rose dans la seconde) ; Pilc brouille les cartes et recompose sa palette, nuançant la complexité et la densité de son jeu par l’exubérance et le groove impeccable de sa nouvelle paire rythmique (basse électrique discrète mais tirée au cordeau, tapis proliférant de percussions aux senteurs caribéennes ou africaines). L’excellent Sam Newsome entrelace parfaitement la voix tendue de son saxophone à celle du piano du leader, toujours attentif à la dimension mélodique de son jeu. D’un abord moins facile, les quatre parties de la Trio sonata avec lesquelles s’achève le disque, composées par Pilc grâce à une bourse de la Chamber Music America, permettront de retrouver l’art acrobatique et fusionnel d’un trio dont on connaît bien désormais l’exceptionnelle entente et la parfaite cohésion. La frontière entre l’écrit et l’improvisée, comme à l’accoutumée, se dissout dans l’urgence du jeu triangulaire ; si une attention soutenue est nécessaire pour tenir le fil du discours des trois musiciens, cette Sonate réserve à plusieurs endroits des pépites absolument jubilatoires.