Certains groupes auront toujours plus de difficultés à renouveler la curiosité à leur égard, parce qu’ils ont dès le départ délimité leur territoire musical, défini précisément leur identité, et parce qu’on trouve peu d’intérêt à avoir l’impression d’entendre d’album en album, chaque fois la même musique. Calexico fait un peu partie de ce genre de groupe, dont on pourrait se contenter des deux premiers albums (Spoke et The Black light) et passer les redites suivantes. John Convertino, batteur, et Joey Burns, bassiste, depuis leurs débuts au sein de Giant Sand ou OP8 jusqu’aux collaborations avec jean Louis Murat, Françoiz Breut, et ce nouvel album, Feast of wire, n’ont pas vraiment modifié leur credo musical, relecture indie des traditions folk, rock et country du Sud Américain, agrémentée de quelques incursions mexicaines, les mariachis typiques, dont le pittoresque plaît tant au public français…

On n’a pas grand-chose à reprocher à Calexico, sinon qu’on est à peu près sûr de ne jamais réécouter leur disque après cette chronique. Le terrain est bien balisé : la Ford Mustang glisse sur les highways, entre soleil de plomb, cactus et crotales. Joey Burns porte la chemise de cow-boy comme les Strokes portent Converse et blousons de cuirs, par goût spectaculaire de l’uniforme. Toute la sophistication de cette musique qu’on aurait juré authentique, il y a des milliers d’années, résonne comme la fin des illusions, et le bout du rêve américain (plus loin vers l’ouest, il n’y a rien de rien). La production est propre et lisse comme le chrome d’un pare-choc de Buick, les cordes dans le désert sonnent western spaghetti ou sépulcral trip-hop, les guitares sont bien sèches, les caisses claires claquent comme autant de coups de fouets sudistes, les accordéons déroulent, les trompettes sont gaies, l’orchestre de mariachis, sympathique. Pour les américains, Calexico doit ressembler à un groupe de bal, ou quelque chose comme ça.

Restent les chansons : le sépulcral Black heart tire quand même son épingle du jeu, l’instru Close behind a un air familier agréablement rassurant (Pour quelques dollars de plus ou Il était une fois la révolution ?) ; les titres les moins prévisibles sont un court instru intimiste entre un piano et un violoncelle (The Book and the canal), un titre à la Tortoise, avec samples rythmiques travaillés, petits bleeps psychés et trompette superfétatoire, qui s’intitule comme par hasard Attack el robot ! Attack ! (caractéristique de l’incapacité du groupe à appréhender la modernité sur un autre mode que la craintive naïveté). Sinon, Calexico ose s’embarquer dans un hommage jazz à Stan Getz, sur un Crumble bien troussé mais bien sage. Comme tout le reste.

Feast of wire est un disque pour nostalgiques, pour fans de chromos sans tâches, de rodéos sans chutes, de conquêtes sans batailles, de grands espaces sans grandes visions. Les autres reviendront sur leurs pas, vers la côte Est, New York, Brooklyn, là où ça se passe.