Quatre ans d’attente -depuis Beat, 1996- pour avoir enfin du Bowery Electric inédit à se mettre entre les oreilles (si l’on excepte un maxi, magnifique d’ailleurs, paru chez Happy Go Lucky et l’album de remixes, très intéressant aussi, datant de 1997). Et, il faut bien l’avouer, au terme de l’attente, une assez grosse déception. On dirait que, en cherchant à resserrer les rangs et en développant un son plus affirmé, Bowery Electric a en fait perdu de vue ce qui faisait son originalité et son attirante étrangeté. Comme si le fait de dégraisser dans la masse sonore avait eu pour résultat une dilution malvenue.

Auparavant monolithique et intrigante, la musique désormais proposée par le duo new-yorkais (Martha Schwendener et Lawrence Chandler) est plutôt monotone et convenue. Attention, les amateurs de beau son -l’une des trademarks de Bowery Electric depuis leurs débuts discographiques en 1994- ne seront pas déçus. L’enveloppe sonore est classieuse à souhait, un peu trop même. On peine à différencier les morceaux les uns des autres -presque paradoxal, lorsqu’on pense qu’il y a quelques années seulement, on pouvait peut-être reprocher à Bowery Electric d’être un peu hermétique ; et pourtant, impossible alors de confondre leurs compositions. Non qu’il soit interdit d’évoluer, de changer. Au contraire, même. Seulement, on a le droit d’être déçu par le résultat : un disque assez propret sur lui, avec dix morceaux impeccablement produits, dont rien ne dépasse, pas même la voix doucereuse de Martha Schwendener.

Ce qui ressort clairement, c’est qu’à force d’avoir été mûri, travaillé, retravaillé, Lushlife a perdu certainement en substance. En spontanéité aussi : on est rarement -pour ne pas dire jamais- surpris. Du coup, très difficile de rentrer dans cet album, et de se laisser transporter par ces sonorités électroniques trop bien agencées, qui font parfois penser à du Portishead anesthésié. Bien sûr, ce disque n’est pas un naufrage total, puisqu’il s’écoute agréablement du début jusqu’à la fin. Seulement, on attendait sans doute autre chose de la part de Bowery Electric que des émanations du meilleur de l’electronica de chambre, du meilleur du trip-hop romantique, du meilleur des musiques de films jazzy feutrées.

Floating world, Shook ones, Psalms of survival, Saved : c’est beau, mais putain, on s’ennuie quand même copieusement. Sans parler de Freedom fighter, le single extrait de l’album, qui est carrément l’un des titres les moins inspirés, tout mou. Mais comme on aime bien Bowery Electric, on dira que Lushlife est un album transitoire, un coup pour rien, une crise d’identité. Ca arrive à tout le monde. Il faudra donc encore attendre la suite pour pouvoir espérer lever le pouce, ou le baisser définitivement.