Kiss my arp est le premier album de Andrea Parker, DJ et musicienne anglaise ayant publié, après quelques travaux sur R&S, trois maxis sur le label Mo’ Wax depuis 1996. On en retrouve deux ici, Melodius thunk et Rocking chair, qui délimitent bien son spectre musical : d’un côté l’électronique la plus pure et de l’autre les arrangements de cordes et la chanson. Malgré une formation classique (violoncelle et chant), Parker est en effet une passionnée d’electro, comme l’illustrait son mix exemplaire dans la collection DJ:Kicks du label Studio K7 en 1998. Entre Afrika Bambaataa et Carl Craig, elle y plaçait un remarquable morceau sous le nom 69 et un remix de Depeche Mode, preuve d’une ouverture d’esprit que l’on a pu retrouver cette année dans les K&D Sessions de Krüder & Dorfmeister.

Pour cette première collection de morceaux personnels, elle a choisi la carte de la sobriété. Le crossover sera pour une autre fois, Parker construisant ici des paysages électroniques retenus, pas toujours « dark » comme ils sont souvent décrits, mais assurément « cold ». Son chant souvent évanescent, comme la photo de pochette, rappelle parfois Portishead, mais la rigueur des compositions est plus proche de la techno des pionniers que de la pop. L’atmosphère dominante est celle des morceaux les moins frénétiques de Photek ou de la bande-son de Ghost Dog par RZA. Dans cet espace nocturne urbain, les basses (comme celle rebondissante de Elements of style) ne servent pas à danser mais à se déplacer souplement, à tracer sa route en ondulant des épaules, comme pour se convaincre qu’on n’a pas peur du noir. On se fait un film.
On retrouve ailleurs des traces de LFO (Some other level) ou de Massive Attack (The unknown, qui pompe carrément les cordes à la fin de Unfinished sympathy), mais beaucoup plus surprenante est la similitude de phrasé entre Parker et Dave Gahan, chanteur de Depeche Mode. Sur Breaking the code ou Lost luggage, leurs deux techniques sont si proches (le vibrato) que c’en est troublant.

Mais même si l’on apprécie les références de Parker et qu’on admire l’intégrité de ce premier opus, on aurait apprécié un peu plus de fantaisie. Son credo n’étant pas résolument minimalisme, 66 minutes de ces jolis pizzicatos sur rythmes fatigués, c’est un peu beaucoup, un peu comme une belle exposition (« Oh, quelle superbe intro de violon sur Clutching at straws« ), trippante mais qui ne prend pas aux tripes. Un album pour dîner entre amis, sur le toit d’une usine.