L’action se déroule en des temps qui ressemblent aux nôtres. Une cité grise avec bacs à sable pour chiens et enfants, des rues où se déroulent des « manifs de mendiants » et quelques personnages boiteux et décharnés, sans grand amour propre, qui se parlent comme des charretiers, épaves d’un univers depuis longtemps privé de sens : Jojo-la-charpente, Marie vieille, « grosse et impotente », et leur fils Jégé « un grand benêt qu’elle a toujours eu du mal à cerner ». La planète est devenue invivable, et le clan des derniers disciples attend un début d’explication. L’archange Gabriel, qui habite les os d’un chien pelé et névrotique est alors visité par le « Très-Haut » déguisé en berger allemand : « abandonné des hommes, on Le voit se diluer dans l’improbable, se morfondre dans son palais, dégringoler sur terre, son fleuron inimitable, cul par-dessus tête ». D’explication point. Le Vieux-qui-êtes-aux-cieux n’est pas en forme et déclare à qui veut bien l’entendre qu’il est cuit, qu’il est seul et que « là-haut, il n’y a plus rien à bouffer ».
C’est peu dire que l’on navigue en plein fluide glacial. Le verbe est cru, souvent scatologique, la thèse est caustique, le verdict sans appel : Paradise est une farce crépusculaire, où la tentation de l’absurde le dispute à un irrépressible besoin de profaner les saintes icônes. Brûlot pour mécréants, donc ? Si François Boulay ne fait pas dans le détail, son intention est avant tout d’en rire. D’un rire tonitruant, forcément contagieux.