Avec Le Vélo de Ghislain Lambert et maintenant Tristan, Philippe Harel confirme qu’il est un cinéaste anachronique dans la vague des comédies néo-ringardes qui inondent actuellement le marché (dont l’avatar le plus consternant reste le tout frais Gomez et Tavarès, en salle le 7 mai). Contrairement à ces dernières, qui recourent à des effets de modernisme foireux (voir la techno ou les effets numériques dans Le Boulet et Le Raid) pour dissimuler un discours d’outre-tombe, les films de Harel assument pleinement une forme ringarde, complètement démodée, qui, si elle dépasse rarement un académisme un peu délavé, a au moins le mérite de ne pas tromper sur la marchandise.

Ainsi donc de ce Tristan, petit polar qu’on croirait sorti de la fin des années 70 avec sa musique à la Morricone (période Belmondo) et sa trame de roman de gare ou de giallo viré au sépia (un bourreau des cœurs conduit des midinettes au suicide selon un rituel immuable : séduction, nuit d’amour, fuite). Le film vaut moins pour son intrigue faussement tarabiscotée et ses effets de manche grossiers que pour l’installation d’une atmosphère extrêmement sympathique. La direction d’acteurs excellente, et surtout cette façon de jouer avec la ringardise affichée de l’ensemble (le personnage de Jean-Jacques Vannier passionné de Michel Jonasz) sans jamais verser dans le cynisme (visiblement, tout le monde y croit), font de Tristan un divertissement à la fois anodin et particulièrement revigorant.

Le film n’atteint jamais la force émotionnelle ni la mélancolie du Vélo de Ghislain Lambert (la scène fabuleuse de course dans la nuit qui réduisait Benoît Poelvoorde au silence), mais il parvient, grâce à une poignée de personnages truculents (Mathilde Seigner et Jean-Jacques Vannier sont excellents), à instaurer un climat de douceur roublarde et de suspense assez accrocheurs Avec Tristan, certes pas de quoi s’emballer fiévreusement, mais au moins cette certitude : le cinéma populaire s’en sort toujours mieux quand il y est affaire de malice plutôt que de petit malin.