Marquant les débuts de John Schlesinger outre-Atlantique, Macadam Cowboy secoua l’Amérique bien-pensante de 1969 lors de sa sortie et conserve une place à part dans l’histoire du cinéma pour avoir été la première œuvre estampillée X, reclassée R -interdite aux moins de 18 ans- assez rapidement, à remporter l’oscar du Meilleur film. Trente ans plus tard ce sont surtout la chanson Everybody’s talkin’ d’Harry Nilsson, le thème de John Barry interprété a l’harmonica par Toots Thielemans et les prestations de Jon Voight et de Dustin Hoffman qui restent en mémoire. Adapté d’un roman de James Leo Herlihy par Waldo Salt (Serpico, Retour), le récit suit le parcours de Joe Buck, un jeune Texan naïf, persuadé que sa belle gueule et sa fière allure lui permettront de se faire entretenir par de riches new-yorkaises frustrées en quête d’étalons fougueux. Il quitte donc son bled paumé pour la Grande Pomme où il déchante vite mais finit par se lier d’amitié avec un crève-misère infirme et souffreteux qui, après l’avoir arnaqué, l’héberge et l’aide à survivre.

En argot yankee, un cowboy de minuit est un prostitué masculin. En cette période troublée que traversent alors les Etats-Unis, les mythes n’en finissent pas de vaciller. Celui du héros de western autant qu’un autre. Joe n’affiche plus que les oripeaux d’une virilité qui n’est pas la sienne : il n’est jamais monté à cheval et son aura sexuelle est sujette à caution ; la terre promise n’est pas l’ouest de la Frontière mais New York, mirage urbain indistinct ; son rêve n’est pas celui d’une conquête territoriale mais celui de l’argent facile. Schlesinger insiste sur cet effondrement des valeurs hollywoodiennes traditionnelles en montrant notamment un cinéma délabré à l’affiche duquel les lettres de John Wayne se sont effondrées. Dans sa façon d’analyser les fissures du rêve américain, le scénario développe de nombreux éléments intéressants et s’attache à des antihéros perdus et perdants, affamés, condamnés l’un à la prostitution, l’autre aux petits larcins. Dommage que la thématique assez riche de Macadam Cowboy et son irréprochable interprétation soient gâchées par une mise en scène bâtarde et désordonnée. Si dans les scènes d’errance diurne l’utilisation d’une focale longue paraît appropriée et dynamise le propos, une suite de séquences psychédéliques au seuil du ridicule (cauchemar de Joe, hallucinations narcotiques) et la contamination du zoom plombent une narration qui aurait gagné à jouer la carte de la simplicité. Faut-il y voir un hommage aux expérimentations d’Andy Warhol, dont une bonne partie des fidèles sont présents au générique (Paul Jabara, Viva, International Velvet, Ultra Violet, Taylor Mead, Paul Morrissey), ou une concession facile à l’air du temps ? Quoi qu’il en soit, le film souffre aujourd’hui de ses écartèlements formels et semble, à ce titre, un brin surestimé, même si sa réalisation ne suffit pas à le rendre totalement dépassé.