Devant Les Cendres d’Angela, adaptation du best-seller autobiographique de Frank McCourt, on se demande comment, un jour, on a pu aimer Alan Parker. Comment cet embaumeur de misère, ce mauvais voyeur, braqué sur le sordide pour mieux l’enjoliver a pu nous émouvoir ? Là où, hier, on jouissait de la beauté des cadres, de la composition soignée, on ne voit plus que du faux, du toc. Les films d’Alan Parker sont comme certains posters honteux de nos chambres d’adolescent, ceux qu’on retrouve parfois sur les vieilles photos de famille. On reste stupéfait par l’icône devant laquelle on se prosternait. Heureusement, le mauvais goût, ça se perd !

Aujourd’hui, Parker nous apparaît tel qu’il est : le photographe des préaux d’école, celui qui, avec ce ton si désagréable, demande aux enfants de se tenir tranquilles et de sourire pour l’éternité. Quand il filme l’enfance de McCourt, dans les décors les plus sordides, Parker ne parvient jamais à en dégager le vécu au présent. Il est toujours dans le passé composé. Il filme des personnages à qui l’expérience ne semble rien apprendre, qui se contentent d’illustrer des scènes « has been ». C’est qu’Alan Parker ne s’intéresse qu’au look des choses. Son regard est irrémédiablement marqué par l’esthétique publicitaire des années 1980, point de vue de surface, qui se moque de ce qui meut les personnages (une histoire, une expérience) pour n’éclairer que leurs apparences (des essences, des archétypes).

Ce qui gêne dans le film de Parker, c’est l’absence de regard sur son sujet. Pas de perspective politique ou sociale (l’histoire a pour contexte l’après-guerre en République d’Irlande) mais le déploiement d’un savoir-faire esthétisant qui transforme chaque motif abordé -la tristesse d’un enfant, la honte d’un père, la colère d’une mère- en autant de vignettes édifiantes.