Une carrière bien planifiée selon Tracy Flick (Reese Whiterspoon) débute bien avant le premier emploi, c’est dès le lycée qu’il faut fourbir ses armes. Tracy multiplie donc les activités parascolaires, elle est membre de tous les clubs et autres comités existant dans son école. Ce glorieux palmarès est cependant incomplet et, surtout, il manque une ligne à son CV : la présidence du conseil des étudiants. Son élection n’aurait pu être qu’une formalité si Jim McAllister (Matthew Broderick), son prof d’histoire, n’avait été agacé par tant de réussite, par cette élève aux dents « ultra-brite » qui rayent le parquet. Il décide par conséquent d’injecter un peu de démocratie dans le processus en lui trouvant un adversaire en la personne de Paul Metzler (Chris Klein). Mais Paul n’est qu’un sympathique benêt qui ne doit sa grande popularité sur les bancs du lycée qu’à ses exploits sportifs sur les terrains de foot. Les choses se corsent lorsqu’une troisième candidate entre en lice : la propre sœur de Paul qui veut se venger de son frère ou plutôt de sa copine qui se trouvait être auparavant la sienne.

Les Etats-Unis n’ont pas leur pareil pour choisir des icônes plus que parfaites, (Reese Whiterspoon convient admirablement au rôle de l’ado symbolisant les vraies valeurs de l’Amérique), incarnations d’une réussite portée aux nues, mais ils savent aussi merveilleusement les détruire. L’auto-flagellation est une des valeurs montantes du cinéma américain actuel –L’Arriviste n’en est qu’un des symptômes en attendant l’hilarant Drop dead gorgeous de Michael Patrick Jann présenté à Deauville en 1999.
Entre les mains d’arrivistes ou de doux incapables, la démocratie américaine ne nous est pas présentée sous son meilleur jour. Cette satire des institutions n’est cependant pas le seul mérite du film d’Alexander Payne qui n’est jamais là où on l’attend. Au lieu d’emprunter les chemins balisés d’une lourde charge contre l’ambition, il préfère bifurquer vers des voies secondaires un peu moins recommandables… Une classique scène de bécotage entre ados nous révèle, au fur et à mesure que la caméra s’avance, l’homosexualité de Tammy Metzler (Jessica Campbell), Jim couche avec la meilleure amie de sa femme alors qu’au premier plan nous voyons son bébé en train de jouer dans un parc. Cet art de distiller une « douce » subversion au fil des images trouve son apogée lorsque Matthew Broderick n’hésite pas à truquer les élections pour être certain que Tammy ne les remporte pas. L’acte prend toute sa saveur lorsque l’on sait qu’en plus de l’histoire, l’autre matière qu’il enseigne est l’éducation civique. Par moments, on aimerait que L’Arriviste aille encore plus loin, qu’il s’éparpille un peu moins sur les déboires conjugaux pas vraiment captivants de Matthew Broderick. Néanmoins, cet aspect légèrement brouillon fait également le charme du film d’Alexander Payne. Les copies de cancres sont souvent plus passionnantes que celles par trop prévisibles des bons élèves.