Intrigués par un casting des plus prometteurs (l’insolite rencontre entre la distinguée Kristin Scott-Thomas et le séducteur rebelle Sean Penn), nous formions quelques espoirs à l’égard du nouvel opus de Philip Haas, une adaptation du récit de Sommerset Maugham, Il suffit d’une nuit. Les premiers plans du film se chargent de nous ramener bien vite à une réalité moins brillante.

A Florence, dans l’Italie de l’immédiat avant-guerre, Mary Panton, une belle aristocrate (K. Scott-Thomas), doit répondre à la demande en mariage de sir Edgar Swift, le futur gouverneur des Indes pour qui elle éprouve une grande affection mais pas d’amour. Elle rencontre alors un Américain excentrique (S. Penn), qui deviendra son complice lors d’une nuit tragique au cours de laquelle elle tue pour se défendre un ancien amant menaçant. Par le biais du destin singulier de son héroïne, Philip Haas promène son regard dans la bourgeoisie anglaise exilée au cœur de l’Italie mussolinienne. Rien de vraiment nouveau n’émerge de cette attention, si ce n’est l’occasion pour le cinéaste de nous dresser un portait peu complaisant et assez convenu de cette caste avec ses codes et son hypocrisie. Au milieu d’eux, se trouve Mary Penton, parfait stéréotype de l’héroïne des romans à l’eau de rose. Mary est belle, honnête, exaltée, et en contradiction directe avec le milieu dans lequel elle évolue. Pour l’incarner, Philip Haas n’a pris aucun risque en choisissant l’actrice Kristin Scott-Thomas auréolée du prestige de son rôle dans Le Patient anglais. Ce qui n’est pas le cas de Sean Penn, dont la médiocre interprétation n’est pas sans rappeler celle de Gérard Depardieu dans le récent Vatel : une figuration routinière et sans âme.

Du coup, Il suffit d’une nuit peine à trouver le ton juste entre les accents lyriques du mélodrame et l’intrigue psychologique. Philip Haas nous sert un film bourgeois, bien sous tous rapports à l’image des héros qui l’animent. Le classicisme de sa mise en scène fige la dynamique du film dans un climat passéiste peu propice à captiver le spectateur impassible devant les malheurs qui entachent la vie de l’héroïne. Si les dialogues ne manquent pas de piquant, ils ne parviennent pas pour autant à nous dégager de la torpeur provoquée par la vision d’Il suffit d’une nuit.

Elysabeth François«