Ce n’est un scoop pour personne, les images d’Abou Ghraib ou de la décapitation de Daniel Pearl ont contaminé la série B d’horreur américaine. Aujourd’hui, plus question pour les rejetons des faiseurs de slashers qui ont essaimé ce cinéma dans les années 80 d’aligner à l’écran des morts rapides et gores de teenagers couillons, mais bien de montrer leur agonie, si possible la plus lente et sadique possible. Intéressant de voir ce qu’avait fait de cette tendance la saga des Destination finale (lire notre de l’opus 1 et de l’opus 2), inaugurée avant la chute des Twin Towers en 2001. La série se résume à un concept malin : suite à la vision de l’un d’entre eux, une poignée de kids échappe à leur mort. La Camarde, pas ravie qu’on lui mette des bâtons dans la faux, va remettre de l’ordre dans la tenue de son agenda, pour être à jour de son quota d’âmes récoltées.

Ce troisième volet ne se détache pas de son cahier des charges. Dans le premier film, les mômes réchappaient d’une explosion d’avion ; dans le second d’un spectaculaire carambolage ; cette fois-ci, ce sera d’un accident de grand huit. Manière de comprendre qu’on est dorénavant vraiment à la foire. Plus précisément dans une attraction de Grand-Guignol. Si les deux premiers films établissaient une intéressante philosophie autour de la capacité à pouvoir évincer son destin, jouer à se sentir immortel, James Wong et Glen Morgan, les scénaristes du troisième, conscients qu’une bonne partie du public connaît ces ficelles, se sont évertués à renouveler un catalogue de morts violentes. Ça tombe bien, on est venu uniquement pour ça : voir des trésors d’inventivité au service de la cruauté. Jusque là, Wong et Morgan se focalisaient essentiellement sur la part ludique de leur concept. L’option est sensiblement différente dans ce nouveau volet, censé être une apothéose. Destination finale 3 se révèle une succession d’anticlimax, cisaillant plus son scénario que ses personnages, délaissant rapidement une très bonne piste à l’ère Bush Jr. (peut-on tout contrôler dans une situation d’alerte absolue sans faire de colossale bourde?) pour régresser aux origines des teenage movies lorsque le film mue en une satire du monde des post-ados. La vraie cruauté du film ne réside plus dans les vicelards mécanismes à la maraboud’ficelle transformant le moindre outil domestique en délirante arme mortelle, mais dans le portrait d’une génération ado dégénérée, façonnée à l’aune d’un déterminisme incarné par n’importe laquelle des icônes actuelles, Paris Hilton en tête. Normal donc que le film démarre sur un grand-huit, comme pour nous signaler que la série prend un nouveau tour pour se mettre la tête à l’envers : la grande faucheuse peut se tourner les pouces, chaque personnage provoquant sa mort des suites de sa propre idiotie pour les filles ou d’une course au narcissisme pour les garçons.

En dépit d’une sérieuse baisse de qualité dans la réalisation et l’interprétation, Destination finale 3 reste pour le coup supérieur à la majorité des productions cyniques du moment, type Saw ou Hostel, en arborant, mais surtout en assumant, un épais pessimisme.