D’abord, un scénario martial expliqué le plus tranquillement du monde. Dans chaque recoin d’Amérique vivent des agents secrets en sommeil, endoctrinés et entraînés par la CIA, prêts à être activés à tout moments. Ils ont entre 10 et 15 ans. La ressemblance avec Le Village des damnés ne semble inquiéter personne. Il faut, de la part des initiateurs de ce film un peu visqueux, un aplomb formidable pour laisser mijoter cette mixture improbable combinant à une banale rêverie enfantine (qui n’a rêvé, à 12 ans, de sauver le monde à la place des grands ?) une paranoïa strictement américaine domestiquée jusqu’au renversement par l’absurde : si la menace sourd depuis l’intérieur, il n’y a pas de raison pour que la défense, elle aussi, sommeille dans chaque foyer (dans le living room, toujours la main sur le fusil).

Un méchant (flanqué d’un bras droit sadique et français), une menace (des robots nanoscopiques et gloutons prêts à s’abattre sur le monde comme une nuée de sauterelles), et voilà Cody, espion pré-pubère, investi d’une mission vitale. Le cocktail espionnage / kids, sous genre dont Spy kids de Robert Rodriguez demeure l’atroce matrice, semble décidément n’être que le prétexte au déploiement d’une horrifique panoplie aux couleurs criardes et d’une certaine démagogie consumériste (faire croire aux enfants qu’il y a sept mercredis par semaine). Il y a toutefois, dans Cody banks, un vrai changement : la révolte du petit môme pataud et trébuchant de Spy kids, enfin écouté et tiré du bain d’angoisse morbide où il se débattait en criant son malaise. Cody n’est qu’un petit héros du quotidien (la scène d’ouverture, où il sauve un enfant enfermé dans une voiture dévalant une rue en roue libre) dont les péripéties changent d’échelle -de la rue à la planète. Il y a bien chez cette bête de foire assumée un reste d’inadaptation (il fait ce qu’il veut de son corps, maîtrise la technologie, mais demeure d’une maladive timidité avec les filles), mais rien à voir avec le bad trip du gamin mal dans sa peau de petit gros de Spy kids, dont les évolutions poussives et barbouillées dans un monde trop grand pour lui étaient constellées de visions cauchemardesques (des hommes-doigts, des implantations de cerveau à la chaîne). Le spy kid fait désormais plus grand que son âge. Filmé à l’âge de la petite victime boulimique et teigneuse, puis à celui de l’apprentissage du sérieux, on ne lui aura jamais laissé le temps d’être, tout simplement, un enfant.