Excédés par leurs conditions de vie, des détenus prennent le contrôle de leur prison. Menés par leur leader Malamadre, ils menacent d’exécuter trois membres de l’ETA enfermés avec eux s’ils n’obtiennent pas satisfaction. Ils ne savent pas encore qu’un jeune gardien, Juan, se cache parmi eux et informe l’extérieur. Présenté outre-pyrénées comme le Prophète espagnol, Cellule 211 ne partage avec l’Audiard que son environnement (la prison) et son succès (8 Goyas). Pour le reste, cette révolte de prisonniers convoque d’avantage la sécheresse sérielle de Oz que les arguties stylistiques de son coreligionnaire. On ne s’en plaindra pas.

Film de prison oblige, il s’agit toujours de dénoncer les conditions d’incarcération, la violence de l’Etat et de raccrocher le wagon de l’actualité (la problématique de l’ETA artificiellement introduite), mais cette fois en contournant les Charybde et Scylla du genre : la démonstration de force sociétale et le formalisme claustro. Non, on est dans Cellule 211 plus proche de la bonne vieille tradition 80’s, mix de sous-texte crypto-gay (léger ici), matons vicieux et autres trognes pas possible. Par le menu : un gardien violent et moustachu surnommé « Le Vieil Enculé » (sic), un leader forcément chauve et barbu, des hommes de mains patibulaires, un innocent obligé de se déguiser en détenu pour survivre… Le tout évidemment servi par les performances d’acteurs ad hoc. Luis Tosar notamment, avec sa voix testostéronée façon cancer bronchique en phase terminale, en fait des caisses en gros dur condamné à perpèt’. A ses côtés, un impayable mongolo à casquette, un Joe Pesci à bacchantes et un Apache en Marcel complète l’improbable bestiaire. Le potentiel nanardeux est réel ; le plaisir pervers aussi.

Mais, on le sous-entendait plus haut, Cellule 211 vaut mieux qu’un Haute sécurité ibérique. Le langage télévisuel de Monzon, tout en gros plan, caméra mobile et vitesse du récit, débouche sur une sobriété dans la tension, une simplicité dans l’émotion, qui tranche avec ce que le genre nous a récemment proposé (l’expérimental Hunger, les intentions sentencieuses du Prophète, le fish-eye pathétique de Mesrine…). Ce n’est pas grand-chose, mais la décision courageuse de laisser en hors champ la mort de certains personnages-clés, ou cette prise de pouvoir du héros finement relayée par une simple bascule de point, témoignent d’une approche réfléchie du sujet, ou tout du moins de vrais choix cinématographiques. Aidé par un scénario moins simpliste qu’il n’y paraît, ce qui avait commencé comme une révolte de prisonniers va même se déchirer aux 2/3 en même temps que son héros. En égarant la boussole qui le maintenait littéralement sous contrôle, le film ne va pas en devenir pour autant imprévisible, simplement son centre de gravité va obliquer de l’extérieur des personnages vers l’intérieur. Et précipiter leur chute. Un déplacement des enjeux qui ne suffit pas à libérer Cellule 211 de sa gangue de téléfilm, mais le sauve de l’indifférence polie à laquelle on le croyait condamné.