La sortie d’Astérix, le domaine des dieux marque un répit dans la série noire des adaptations du moustachu identitaire. Voilà quinze ans en effet que, malgré le relatif succès de l’opus Chabat, la franchise dilapide des millions d’euros en trouvant le moyen de tomber toujours plus bas (le dernier en date ne faisait même plus semblant d’y croire). En choisissant de revenir vers l’animation, les tenants de l’empire Uderzo avaient peu de chance de faire pire. Et il est évident dès le début du film qu’Astérix retrouve ici une certaine fraicheur, perdue depuis longtemps. Exit le problème de l’incarnation des Gaulois, toujours ratée, au profit d’une animation certifiée hi-tech et assurée par Louis Clichy, qui a fait ses armes chez Pixar – même si la rondeur du trait, les chairs dodues et lisses, rappellent moins le dessin de Wall-E que celui de Super Mario. Cet Astérix évoque surtout, à vrai dire, une nouvelle attraction du parc éponyme, déployant une 3D ludique (comme au temps de la Géode et du Futuroscope) sur des gags visuels (certains très bons: la pluie dorée de potion magique) louchant vers Tex Avery. Sans atteindre des sommets, ce lifting a au moins le mérite de redonner à la franchise une destination enfantine qu’elle avait fini par perdre : les textures semblent presque comestibles, les sangliers redeviennent appétissants, et le décor armoricain, ainsi que ses habitants, paraissent faits de pâte d’amande.

Ce retour sur les terres de l’enfance est d’autant plus assumé que Le Domaine des dieux semble vouloir renouer avec la naïveté qui avait fait le succès des dessins animés sortis depuis 1967 (hormis Astérix et les Vikings, sorti en 2006 et oublié la même année), ce dont témoigne le doublage d’Astérix par Roger Carel, dépositaire historique, à 87 ans, de la voix du Gaulois nain. Pourtant, malgré ses révérences nombreuses et un peu corsetées au « héros de notre enfance », cette nouvelle adaptation ne se départit pas tout à fait du ton chaîne de télé privée institué par ses prédécesseurs. Ainsi, on n’échappe pas au défilé des Copains d’avant de l’humour télévisuel, venus chercher leur part des 37 millions d’euros (!) alloués au film. Néanmoins, même sur ce terrain,  Le Domaine des dieux s’en sort honorablement. Les acteurs des volets précédents cachetonnaient dans une joyeuse et molle indifférence, tandis que les voix enregistrées ici semblent portées par un certain enthousiasme. Alexandre Astier, père de Kaamelott et scénariste/dialoguiste du film, s’inscrit à la fois en héritier des bons mots et de l’humour anachronique de Goscinny, et en continuateur des films précédents, comme désireux de les surpasser – il trouve d’ailleurs souvent une distance assez juste envers ces personnages trop célèbres. Ni trop BD, ni trop télé,  Le Domaine des dieux trace un chemin plutôt digne dans la saga, quoiqu’alourdi par son ambition d’envoyer des signaux susceptibles de ramasser tout le spectre de son possible auditoire. Ainsi, le sous-texte vaguement politique des dialogues ne froissera personne : syndicalistes rabat-joie, intégration, poids de l’héritage colonial, bourgeoisie parvenue, les sujets se suivent à la queue-leu-leu. Manière, sans doute, d’actualiser en le laissant dans le brouillard le point aveugle de ce vieux produit français: Astérix est-il de droite ou de gauche?