La parution de Jugement, le douzième volume de la série XIII, a déjà fait couler beaucoup d’encre. Il faut bien avouer qu’il y a de quoi. Crée par le dessinateur de Bob Morane, William Vance, et l’un des scénaristes les plus prolifiques du moment, Jean Van Hamme, XIII est une véritable superproduction de la bande dessinée, avec trois millions d’exemplaires vendus et un Cédérom en préparation. Voilà déjà treize ans qu’elle tient ses lecteurs en haleine avec la même intensité.

Est-il vraiment nécessaire de faire un rappel des faits ? Le héros de la série -superman sympathique cultivant certaines ressemblances avec James Bond- est amnésique et a le chiffre treize tatoué sur la clavicule gauche. Comme dans la série télévisée de Patrick Mac Gohan, Le Prisonnier, son but est de découvrir qui se cache derrière le numéro I. Sauf que ce numéro I là a fait assassiner le président des Etats-Unis. Le numéro XIII, de son vrai nom Jason Mac Lane, est donc irrémédiablement pris au piège dans les complots politico-criminels fomentés dans les arrières salles du FBI et de la NSA. Etant à la recherche de son passé, il est également prisonnier de lui-même et de sa vie antérieure. Les différentes identités qu’il a dû adopter au cours de ses précédentes missions rejaillissent comme des boomerangs dans le courant de l’intrigue et imposent de nouveaux rebondissements.

La série XIII est conçue comme un roman à tiroir. Chaque nouvelle découverte dans le passé de Mac Lane s’insère comme un récit à part entière dans la globalité du développement et, grande habileté de scénario, recoupe un épisode trouble de l’histoire de l’Amérique contemporaine,  » sans plausibilité de date  » souligne Jean Van Hamme. Ainsi se télescopent assassinat de Kennedy, guerre du Vietman et Watergate dans un perpétuel chaos de retournements de situations. Pour Mac Lane, la quête du véritable alter-ego tourne parfois à l’absurde ou à la schizophrénie. Mais une seule constante demeure : la certitude de la manipulation. La marionnette et les ficelles sont la clé de voûte du système.

Certaines rumeurs annonçaient que la série compterait treize épisodes. Les auteurs semblent pourtant vouloir ne pas limiter leur inspiration au chiffre symbolique. Jugement marque peut-être la fin d’une époque. L’album se présente comme une résolution de l’intrigue, qui, soyons critiques, s’essoufflait un peu. Walter Sheridan, le numéro I présumé – il n’y a aucune preuve qu’il s’agisse bien de lui – et la Mangouste disparaissent. Le général Carrington fait justice et venge la mort de sa fille. Pourtant, la dernière page aux allures de Western change encore les données du problème. Même le lecteur le plus imaginatif a de quoi être soufflé. Gageons que Van Hamme et Vance seront, avec tout le talent qu’on leur connaît, relancer leur série vers de nouveaux complots embrouillés à souhait.

Nicolas Vey