L’idée de départ semblait déjà suspecte : retracer l’art mexicain (des civilisations précolombiennes à nos jours) en une seule exposition, soit environ 250 œuvres. Il existe donc des commissaires d’exposition capables d’une telle faculté de recul, de vue d’ensemble, réussissant à appréhender et synthétiser autant de siècles de créations ? Se seraient-ils risqués à une entreprise aussi audacieuse concernant la France, l’Italie ou même les Etats-Unis -pourtant jeune civilisation ? A la lecture du texte du président du Conseil national pour la culture et les arts, Rafael Tovar, on comprend que l’ambition est encore plus vaste que celle supposée : « Il convient de préciser que ce panorama, se voulant le miroir de l’art mexicain, est également celui de la culture, de la société et de l’histoire du Mexique. » Dame !

L’exposition ne fait que confirmer les craintes. Découpée en thèmes -de la pertinence desquels on peut douter-, elle mélange allègrement toutes les époques. Au visiteur d’être vigilant et de traquer les quelques informations que l’on a bien voulu mettre à sa disposition. D’ailleurs, de la vigilance, il est conseillé d’en amener une bonne dose avec soi. On peut facilement « s’emmêler les pinceaux », mais ça ne semble, au fond, pas si grave, le didactisme n’étant pas la préoccupation principale des commissaires d’exposition -quelle est-elle, d’ailleurs, la préoccupation des commissaires ? Ce qui paraît réellement plus grave est la légèreté avec laquelle on nous fait passer sur la colonisation. Elle se trouve mentionnée avec tellement de recul (ce fameux recul) : les textes collés sur les cimaises n’évoquent qu’à peine la religion, les habitudes, la langue imposées à toute une civilisation avec tout ce que cela signifie de renoncement à ses propres croyances, à sa propre culture. Bien sûr, tout ça remonte au début du XVIe siècle… Mais il doit bien exister une alternative à ces quelques lignes sur le mur rougeâtre, d’un « politiquement correct » insignifiant ?

Certaines personnes considèrent que l’exposition à la galerie nationale du Jeu de Paume, censée refléter l’art actuel des pays de l’Est, ne prend en compte que les œuvres les plus avant-gardistes au risque de ne représenter qu’une petite partie de la création de l’Est. Pas de souci de ce côté-là au Petit Palais, les œuvres d’art contemporain restent fort loin d’une quelconque avant-garde. La plupart souffrent, osons le dire, d’une médiocrité assez surprenante. On veut bien croire à un art naïf, mais quand même ; on ne sait à quoi se rattacher (harmonies colorées, habileté du trait, composition). A moins que ceci ne vienne de la lourdeur de la scénographie qui étouffe autant les œuvres que le visiteur.