Que l’on s’entende bien, si vous avez lu la critique de l’album de Perry Blake parue dans Chronic’art il y a peu, vous vous souvenez sans doute de notre admiration pour la musique de ce petit nouveau venu d’Irlande. Nous écrivions que Perry Blake avait réussi un coup de maître, que rares sont les premiers albums qui transcrivent autant de maturité musicale. Nous encensions ses sons de claviers, ses harmonies de cordes en descente chromatique sur 1971 (qu’il n’a d’ailleurs pas chanté ce soir-là), ses guitares wha wha à la Morcheeba et nous terminions en disant que l’on s’était laissé prendre par cet univers d’un autre monde, où tout est feutré, retenu, susurré.

Et bien force est de constater que le passage à la scène ne réussit pas à tout les expérimentateurs du son. En effet, en lieu et place de l’ensemble de cordes, nous n’avions qu’une seule et unique violoncelliste – qui nous a ravis d’ailleurs, et pas seulement grâce à son superbe décolleté ! Les multiples sons de guitares étaient à leur tour réduits à un seul musicien qui ne pouvait jouer qu’à de rares endroits, et le bassiste se contentait de marquer les temps. Seule une percussioniste ajoutait un coup de cymbales par ci, un rythme de djembe par là, et ponctuait les phrases musicales des notes de ses trois timbales. Alors quid du reste de l’orchestre blakien ? Et bien, tout était dans des boîtes bien sûr. L’ensemble de la musique était programmé et démarrait au coup de tête du chanteur, qui lui, reposait tristement sur sa chaise d’écolier au milieu de la scène et entouré de ses bouteilles de whisky et d’eau minérale.

Et que l’on ne me dise pas que lorsqu’on peut trimbaler trois timbales, on ne peut pas emmener d’autres musiciens ! Certes, il faut sans doute faire un choix. Mais pourquoi un unique violoncelle qui se surajoute à l’ensemble de cordes préenregistré de Genevieve par exemple ? Vous voyez le topo ? La fille derrière son violoncelle qui a intérêt à coller à la bande qui passe dans les amplis, quelle joie de jouer dans ces conditions ! Et quel bonheur pour le public qui ne voit rien de rien puisqu’il ne se passe rien !

Alors, que penser ? Et bien, la musique de Perry Blake demeure sublime de sensibilité, et son disque restera sans doute comme un des meilleurs de l’année mais cette musique là ne passe tout simplement pas sur scène. Et dire que nous avons eu droit à Ignatus en introduction qui, lui, assume complètement la solitude du chanteur sur scène et, à l’instar de Jay Jay Johanson, en joue en déclenchant ses programmations avec un humour juvénile, jouant la carte du « synthé-hero », comme il s’est surnommé lui-même dans un moment de folie d’anthologie où il a fait venir un spectateur sur scène pour « jouer » avec lui pendant qu’il s’éclate avec son Moog comme Eddie Van Halen avec sa gratte !