Patricia Erbelding peint. Comme le travail de la fresque mettant en jeu une réaction chimique entre pigments et enduit frais (fresco), l’artiste dépose ses pigments (de la paille de fer très fine) sur du papier marouflé sur toile et provoque l’oxydation en l’arrosant d’eau. Alors, le temps vient faire son œuvre : le métal se colore d’un brun orangé et la rouille ronge petit à petit papier et toile. L’artiste recouvre ensuite ces lignes et courbes d’une couche de cire afin de fixer la rouille et de stopper l’oxydation en l’isolant de l’air. Cette lente élaboration s’inscrit dans un temps autre que celui, toujours condensé, de notre époque. Ne l’oublions pas, Patricia Erbelding se dit peintre à l’ère de la vidéo et des installations, et sa pratique s’apparente à la fresque, technique supplantée par les peintures acryliques et vinyliques. Nul doute que l’artiste sait se jouer du temps. Ses photographies même -alors que la pratique ne cesse de se perfectionner jusqu’à saisir le plus fugace instant- s’inscrivent dans une certaine éternité, marquée par une nostalgie palpable puisque toute photographie demeure, quoi que l’on fasse, rattachée au passé.

La plupart de ses travaux s’apparentent à la fois au tableau et à l’objet ; leur forte épaisseur -dont la surface se trouve souvent peinte- leur donne l’aspect d’une boîte. Son attrait pour l’objet se concrétise aussi dans la fabrication de livres d’artiste, rapport de confiance et d’amitié entre Patricia Erbelding et des auteurs ou des textes, ainsi pour Léonard de Vinci ou François Villon. Chaque ouvrage, édité en très peu d’exemplaires, est entièrement fabriqué par l’artiste qui l’illustre d’œuvres originales. Ce travail à deux reste un moyen de ne pas s’isoler dans la création. Au regard de l’œuvre de l’artiste, aussi divers que cohérent, on ne sait s’il nous a entraîné dans un univers totalement inconnu ou s’il a fait resurgir de notre mémoire des images oubliées, tant l’appropriation est immédiate.