En tournée d’adieu, voici les Thugs à l’Elysée-Montmartre, et les quatre compères (accompagnés de « Bouchon » alias Steve Nieve au clavier) entament leur set comme ils l’ont toujours fait : incantations hindoues, apparition humble sur scène, le gimmick d’Eric Sourice : « Bonsoir, on est les Thugs et on vient d’Angers » ; et c’est parti pour une heure et des grosses brouettées de déluge sonique. Voilà. Cette chronique pourrait s’arrêter là pour les initiés, connaissant déjà par cœur la suite : le mur du son, le plus beau (au sens premier et figuré) que le rock hexagonal ait jamais réussi à construire ; le pied sur l’accélérateur mais toujours cette même conduite féline de morceaux à la complexité mélodique, à la détermination pessimiste, aux martèlements combatifs. On ajoutera s’être trouvé agréablement surpris par moment quant les Thugs sonnaient Placebo, et même Radiohead ou Deus pour ces emportements cosmiques de guitares expertes.

Mais par-dessus tout, planait bien sûr l’âme des Stooges (en figure tutélaire) passés à la moulinette des frères Sourice et de Ménéard -ce guitar hero. Puis, pour l’exemple, le plus désespéré des brûlots : I love you so, pour ne citer que lui, lancé le poing sur le cœur, à tombeau ouvert lors du premier rappel. Et cette reprise de Brand new cadillac du Clash, lors du second (il y en a eu trois, quatre ?) précédé d’un lapidaire : « Ok, on est là pour s’amuser. » C’est bien ça, on était là pour se distraire, et pourtant cette certitude d’une mise en bière du plus fulgurant quatuor « français », qui nous dégomme depuis seize ans, ne cessait de nous travailler au corps et au cœur.

Les Thugs se séparent et ils ont baptisé leur dernier baroud d’honneur scénique et discographique Tout doit disparaître. Pas de sentimentalisme, de nostalgie, de commémoration mais juste cette remarque : chapeau bas pour ce titre carré, droit et vraiment éloquent. Message reçu. Cependant, personne n’est dupe, si tabula rasa il y a, les huit albums gravés (sur Bondage, Sub Pop -excusez du peu, gougnaf…), eux, ne vidangeront jamais. Et effectivement les Thugs bien que splittant ne laissent pas leur place à d’autres. Don’t acte.