De Fra Angelico à Bonnard

Constituer une collection aussi vaste, aussi complète et comportant autant de chefs-d’œuvre nécessite à l’évidence non seulement une connaissance aiguè de l’histoire de l’art mais aussi un œil et une sensibilité exercés. Car il n’est pas rare de voir dans certaines collections, même publiques, des pièces de maîtres d’intérêt moindre si ce n’est, justement, le nom de leur créateur.

Pourtant, si l’exposition du musée du Luxembourg est exceptionnelle, c’est sur le docteur Rau qu’il faut s’arrêter. Cet homme semble avoir fait de sa vie un acte d’humanisme. Docteur ès sciences politiques puis docteur en médecine, il mène sa vie entre l’hôpital qu’il a construit au Zaïre et auquel il se dévoue complètement, et sa passion pour l’art qui n’a rien d’un plaisir solitaire. Bien qu’Allemand de naissance, le docteur Rau avait fait construire un musée à Marseille pour y exposer ses œuvres. Le lieu devait accueillir librement le public afin que chacun ait accès à cette collection méthodiquement constituée puisqu’elle englobe toutes les écoles (flamande, allemande, française, italienne, espagnole, anglaise) et tous les siècles depuis le xve, dans un but que l’on devine didactique. Pour cela, elle devait d’ailleurs être présentée par période -ce que l’exposition au musée du Luxembourg respecte, renforçant l’aspect très complet de cette collection. Le projet marseillais n’aboutira pas pour cause de difficultés financières dues aux énormes dépenses pour le Zaïre, les guerres alentour, notamment au Rwanda, aggravant la situation du pays. Cependant, une partie de la collection -dont la totalité fut léguée à l’Unicef- a été mise en dépôt pendant quelques années… au musée du Luxembourg.

Il est dommage que ce dernier n’ait pas pris en compte le désir de gratuité du docteur Rau pour la visite de sa collection, tel qu’il l’avait émis pour Marseille ; le tarif plein s’élève en effet à 50 F, ce qui rend la découverte de ces œuvres inaccessible à un grand nombre. Et pourtant, qui ne serait pas touché par ce tableau primitif germanique dans lequel l’Enfer est peuplé de visions prophétiques de l’Allemagne ? Et qui ne serait pas ému par Les Petits prés à By de Sisley ou le mois de Juillet vu par Maurice Denis ?