L’endroit est tout bonnement exceptionnel : un château ayant traversé siècles, bonnes et mauvaises fortunes de ses habitants et qui héberge aujourd’hui une collection d’art du XXe siècle. Lorsque l’on a demandé, en 1990 à Jean-Hubert Martin (commissaire de l’actuelle Biennale de Lyon) de constituer une collection d’art contemporain pour ce château dont l’aspect reste en grande partie celui du XVIIe siècle, l’aventure ne pouvait que motiver. Composée à la fois d’œuvres réalisées pour le lieu et de pièces du Fonds national d’art contemporain, la collection a pris ses marques dans les salles du château pour ne plus en bouger, tel un instantané de la création, figé dans le temps.

Le château d’Oiron s’inscrit fortement dans les siècles qu’il a traversés et les familles qui l’ont habité, Jean-Hubert Martin ayant veillé à ce que la Caisse nationale des monuments historiques et de sites (rebaptisée depuis avril, Centre des monuments nationaux) n’élimine pas, en restaurant le château, toutes traces d’habitations postérieures au XVIIe siècle comme des parasites à l’authenticité. Le château garde ainsi des airs de vieille demeure occupée par de discrets propriétaires qui se seraient volontairement laissés envahir par la présence des œuvres d’art. Parfaitement intégrées à l’ensemble par leur thème ou par leur jeu avec l’architecture, ces pièces jouent le Cabinet de curiosités.

Certains artistes s’intéressent à Oiron -car l’union entre les habitants et « leur » château semble une longue histoire ; ainsi Christian Boltanski met une fois de plus la mémoire en marche en exposant la photographie de tous les enfants de l’école de la petite ville. D’autres se laissent inspirer par les contes de fées peuplés de créatures étranges, les balbutiements de la recherche -à moins que ça ne soit de la sorcellerie-, les grandes familles et leur galerie de portraits et d’exploits -tradition définitivement mise à mal par Claude Rutault-, ou l’imagerie chevaleresque comme Daniel Spoerri qui livre 12 corps en morceaux, magnifique mise en scène d’armures hétéroclites dans la vaste salle d’armes (voir photo).

On entre dans le château comme on pénétrerait chez des hôtes étranges, car le fantastique a lui aussi un peu envahi les lieux ; chacun mène sa visite comme bon lui semble (sans même la présence de gardien), s’aventure dans un petit escalier de bois, pousse une porte, s’installe dans les fauteuils de John Armleder. Une visite aussi exceptionnelle que le lieu.