Quoi de mieux qu’un manga pour relater la vie de celui qui en fut la figure tutélaire au cours du XXe siècle ? Osamu Tezuka : Biographie retrace sur près de 1 000 pages l’existence relativement courte (61 ans) de celui qui fut surnommé en son pays « Manga no Kamisama » (« le Dieu du Manga »), père fondateur de la bande dessinée japonaise moderne, fort d’une oeuvre pléthorique que l’on découvre peu à peu aujourd’hui en Occident. Cette bande dessinée biographique -genre relativement peu prisé chez nous, mais fréquemment usité au Japon- est l’oeuvre collective de dessinateurs dont certains furent ses assistants, tous issus du studio fondé par le maître en 1973 : Tezuka Productions. Ces derniers ne sont pourtant pas nommément crédités ici, accentuant l’impression troublante de tenir entre les mains une oeuvre posthume de Tezuka ((mort en 1989), tant la fidélité aux codes graphiques et narratifs du maître semble être ici une loi d’airain.

Ce principe de fidélité fait la valeur mais également la limite d’une oeuvre qui tire souvent vers l’hagiographie. Ce premier volume étant consacré à l’enfance et à l’adolescence du maître, on y découvre un Tezuka forcément précoce, devenant très rapidement un bourreau de travail à l’imagination débridée et à la curiosité insatiable. Les principales sources de l’ouvrage sont d’ailleurs les nombreux essais et récits dessinés que l’auteur, bâtisseur de son propre mythe, a consacrés à cette période de sa vie. De fait, tout concourre ici à créer le portrait d’un artiste aux capacités quasiment surhumaines -cf. le passage décrivant la prodigieuse rapidité avec laquelle il assimile ses lectures- et à la vie exemplaire, dans lequel l’absence de témoignages contradictoires se fait cruellement sentir. Tout aussi regrettable est le récit souvent édulcoré de la carrière de Tezuka, à l’exemple des relations paradoxales qu’il entretenait avec son mentor Shichima Sakai, qui remaniait son travail à ses débuts, ici passées sous silence.

Cette biographie autorisée, qui s’apparente plutôt à La Vie des Saints qu’à La Face cachée d’un génie (la bio licencieuse d’Hitchcock par Donald Spoto), reste néanmoins d’un intérêt premier pour quiconque s’intéresse au fabuleux développement de la BD nippone après-guerre, tant le nom de Tezuka, bien plus encore que celui d’Hergé en Europe, lui est intrinsèquement lié. On regrette cependant le manque d’aspérité d’un témoignage précieux mais partiel, manquant singulièrement de recul. Et de crédibilité.