C’est un classique… Il y a déjà onze ans que cette quête s’achevait, nous laissant quelque peu abasourdis par un final ô combien tragique et surprenant. Évidemment, nous savions déjà qu’elle se prolongerait, pour nous plonger dans le passé et le futur des personnages des quatre volumes précédents. Cette seconde quadrilogie se penche sur la jeunesse de Bragon, que l’on retrouve à 18 ans, jeune fermier rêvant d’une vie mouvementée. Ce fantasme se concrétise alors qu’il croise le chemin d’un aventurier nommé Javin, qui l’entraîne jusqu’aux Voiles d’Écumes pour rencontrer Mara, la princesse retorse des épisodes précédents, ici encore fraîche et innocente.
Onze ans, c’est long… C’est sans doute pourquoi on ressent une légère déception en refermant cet album, qui ne correspond pas vraiment à notre attente. Qu’est-ce qu’on ne retrouve pas dans cet opus et qui faisait le charme des précédents ? Parlons d’abord du dessin : Loisel, beaucoup trop pris par son Peter Pan, devait forcément passer la main. Il lui fallait un remplaçant. Cromwell, dessinateur talentueux mais dont l’esprit un peu trop marqué aurait sans doute brisé la continuité entre les deux séries, fut évincé. C’est finalement un inconnu, Lidwine qui reprendra le flambeau sous la surveillance de Loisel (qui co-signe le scénario et assure le découpage et la mise en couleurs). Si l’on peut sérieusement douter de l’honnêteté artistique de l’entreprise, force est de constater que ce Lidwine est un habile contrefacteur. Non, le problème est ailleurs.
La Quête de l’Oiseau du Temps était une série à l’atmosphère très particulière, au charme crépusculaire. La psychologie des personnages était fouillée, ceux-ci se balançant entre le Bien et le Mal au gré d’un scénario beaucoup moins « classique » qu’il ne pouvait le laisser paraître. Or, cet Ami Javin bénéficie d’une histoire franchement anecdotique. L’intrigue principale – l’apparition d’une secte mystérieuse – se met timidement en place, mais on ne peut pas dire qu’elle soit vraiment alléchante. Surtout, les personnages rajeunis perdent leurs aspérités pour tomber dans le lieu commun et les nouveaux arrivants manquent de charme et de personnalité. Le Tendre et Loisel tombent dans l’écueil typique d’un « retour vers le passé » qui consiste à mettre en images ce qu’on connaît déjà et n’ont pas su apporter à leur univers la véritable fraîcheur qu’il aurait fallu lui insuffler pour justifier le principe du flashback. On peut néanmoins espérer que ce cinquième album, forcément frustrant, ne soit qu’un écart malheureux et que les auteurs parviendront une nouvelle fois à nous surprendre et à nous charmer.