Il est des albums qui plaisent mais dont il est difficile de saisir immédiatement ce qui fait leur spécificité véritable. Mickey Mickey, dernière collaboration en date de deux jeunes artistes français, Mezzo et Pirus, est de ceux-ci. Ici, la simplicité domine en apparence. L’histoire est loin d’afficher une flagrante originalité : des braqueurs de banques s’aperçoivent que leur coup est en train de tourner au vinaigre, perdent les pédales et commencent à tirer dans le tas… Sur le plan formel, la sobriété tient également le haut du pavé. Le dessin en noir et blanc, précis mais sans détail superflus, est nettement inspiré par les graphistes américains – du classicisme des années 50 à l’éclatement visuel des années 90 – et pose tout de suite l’ambiance sombre que nécessite le sujet. Le découpage semble lui aussi tenir de l’enfance de l’art : la plupart des planches présentent six cases de taille identique et organisées toujours de la même façon.

Le parti pris de Mezzo et Pirus est donc de faire défiler leur bande dessinée à la façon d’un story board. Le choix de ce traitement cinématographique est tout le contraire d’une attitude minimaliste. Il est le point de départ de ce qui fait l’originalité de Mickey Mickey. Ainsi, la création s’opère avant tout à l’intérieur de la case. Le travail de recherche se porte sur les angles de vue et le hors-cadre, deux procédés généralement quelque peu délaissés par la bande dessinée. De même, la contre-plongée totale, ou bien encore, la sélection opérée par les gros plans permettent, outre un résultat esthétique très heureux, d’instaurer une certaine confusion sur le rôle exact de certains personnages. L’univers entourant les gangsters n’en est que plus chaotique.

Mezzo et Pirus, qui revendiquent de nombreuses influences venues du septième art, réussissent à établir de multiples résonances entre leur album et le polar à l’écran. Cela se laisse apprécier à la façon d’une bonne vieille série B.

Nicolas Vey