L’exercice est plus difficile qu’il n’y paraît, car non seulement on connaît de multiples variantes du Petit chaperon rouge, mais en plus, chacun en a sa petite idée. Entre le récit qu’en ont fait nos mères, occultant délibérément le côté inquiétant et sombre pour éviter les cauchemars et celui du papa, moins patient, qui réduit l’histoire aux deux trois faits marquants et qui fait courir le 100m en 10 secondes au petit chaperon et oublie l’histoire du loup ; on a vite fait de faire un mélange à notre sauce et de se cantonner à quelques vagues souvenirs. Anne Ikhel est partie du conte de Perrault et a remonté le temps jusqu’au Moyen-Age pour nous en donner une version assez surprenante. Les illustrations d’Alain Gauthier apportent une dimension fantasmagorique et lunaire. Un jeu d’ombres et de lumières, dans lequel les couleurs pourpres, noir-jais et bleu-nuit se mélangent, une sorte de colin-maillard entre le petit chaperon et le loup rythme cette comptine où la petite fille hésite entre sa peur et sa fascination pour le loup qui ne cesse de hanter ses rêves. Elle compte les loups comme on compte les moutons, et les rêves, soudain, se bousculent. Les petites peurs jaillissent, les objets familiers prennent vie.
Le sens est quelque peu ésotérique, la cible n’est peut-être pas idéale (à partir de 8 ans), sauf si les auteurs comptent sur les parents pour éclairer l’ensemble. Entre cauchemar et rêve, ange et démon, peur et réconfort, Mon chaperon rouge interpelle. Les symboles affluent. A chacun de déchiffrer à sa manière les messages qui nous sont suggérés.