Au-delà de ses qualités intrinsèques, All you need is kill est évidemment intéressant à comparer à Edge of tomorrow, le « Tom Cruise movie » de l’été. Bien qu’ils soient tirés du même roman d’Hiroshi Sakurazaka (2005), les deux récits différent en effet sensiblement une fois passé le postulat de départ : un soldat engagé dans un conflit mondial avec des créatures extra-terrestres venues envahir la terre revit en boucle la même journée, revenant inexplicablement à son point de départ chaque fois qu’il meurt. À la lecture du « pitch », on pense évidemment à Un jour sans fin : comme Bill Murray, le héros passe par différente phases – déni, fuite, suicide – avant de comprendre, plus ou moins confusément, que la situation n’est pas le fruit du hasard et que cet épuisant cycle de réincarnations prendra fin lorsqu’un objectif précis sera atteint. Ici, il s’agit de gagner la guerre. On pense également à la logique du « Die and retry » qui sous-tend de nombreux jeux vidéo, d’autant que le contexte de guerre extra-terrestre et les exo-squellettes qu’utilisent les soldats rappellent le décorum de nombreuses productions vidéoludiques.

Mais une lecture plus attentive révèle que l’auteur du roman d’origine avait sans doute autre chose en tête. On apprend en effet que le mode de fonctionnement des envahisseurs s’apparente plus largement à celui d’un réseau informatique, une créature « serveur » susceptible de réinitialiser la séquence temporelle en cours à l’aide d’une créature « sauvegarde ». Mais contrairement à Edge of tomorrow, où l’organisation verticale des envahisseurs permettait aux humains de « décapiter » l’organisation en en supprimant le leader, la hiérarchie horizontale et décentralisée ici décrite s’apparente plus à celle du réseau, donnant à All you need is kill un surcroît d’originalité et de modernité.

L’autre différence majeure entre le manga et le film est le dénouement de l’histoire. Sans le dévoiler, disons que le happy ending ne fait pas forcément partie du cahier des charges chez les Japonais, contrairement au « fan service » dont on se serait pour le coup volontiers passé. On retrouvera globalement dans All you need is kill ce qui fait à la fois la force – narration ultra-fluide et percutante – et la faiblesse – dessin brillant sur le plan technique mais sans charme ni originalité, produit du travail hétérogène d’un chara-designer, d’un dessinateur principal et d’une armée d’assistants – de la bande dessinée populaire japonaise, le bon point ici étant l’efficacité d’un récit concentré sur 2 volumes, aux antipodes du délayage qui finit par annihiler l’intérêt de la plupart des longues séries.