Voilà, c’est fini… Glénat a bouclé la boucle de cette magnifique réédition du chef-d’œuvre d’Otomo. C’est l’heure du bilan après avoir décortiqué, de manière un peu injuste sans doute, ce grand manga tome par tome. On pourrait disserter longtemps sur ce climax final, finalement assez peu japonais, presque hollywoodien dans sa démesure. Même si, finalement, après plusieurs milliers de pages, Akira a connu son lot d’apocalypses en tout genre. Tetsuo, cerné de toutes parts par des attaques inexplicablement mutagènes, n’en finit plus de payer le prix de ses délires nietzschéens. Régressant à l’état de nourrisson monstrueux et gigantesque pour revenir à son état normal -enfin… façon de parler !- et ainsi de suite jusqu’à la « fusion » nucléaire finale. Personnage tragique et prométhéen, à la fois détestable de cruauté et émouvant, Tetsuo sombre dans l’oubli en étant absorbé par Akira, qui revêt, lui, une signification plus ambiguè. Symbole d’une renaissance d’un certain nationalisme nippon pour une jeunesse désœuvrée qui n’aura finalement connu que le chaos, le petit garçon qui ne payait pas de mine a donc avalé Tetsuo, le vrai moteur de l’action, et physiquement, et moralement.

… Osons l’avouer, cette fin nous laisse perplexes sur les intentions d’Otomo. En présentant le renouveau d’un Japon protectionniste très proche de l’ère Edo, voudrait-il nous faire comprendre que le salut pour une jeunesse sans repères est le patriotisme ? On ne saurait répondre, d’autant que depuis Akira, Otomo n’a pas fait grand-chose de marquant pour répondre à cette question, à part quelques collaborations et/ou apparitions. Comme s’il n’avait plus rien à ajouter après une œuvre aussi définitive. C’est que, plus de 15 ans après sa création, Akira est toujours aussi moderne et visionnaire. Au moins l’auteur ne s’est pas contenté de choisir entre un happy end déplacé et une fin dévastatrice. Par deux fois, la destruction de Tokyo a bouleversé la donne, mais cette fois-ci, et puisqu’il faut bien conclure, Otomo laisse ses personnages décider de leur avenir dans la reconstruction, ou l’échec.

C’est dire si Otomo, outre ses indiscutables talents de dessinateur, a tout compris de la SF, de sa portée philosophique, mystique, scientifique bien sûr, mais aussi politique. Sa vision alarmiste d’une post-humanité délivrée de l’ombre menaçante de Dieu marquera profondément les mangakas qui lui succéderont, de Shirow à Nihei, en passant par Kishiro. Jusqu’à ce que Hideaki Anno propose, avec Evangelion, une vision moins tranchée et plus psychanalytique d’une néo-genèse humaine. Et qui, finalement, pouvait, comme Akira, se décrypter comme une métaphore exacerbée des tourments de l’adolescence.