Xavier Veilhan propose de l’art à grande échelle. L’exposition est un projet ambitieux puisque tout l’espace (1 800 m2) se trouve confié à ce seul artiste (né en 1963). Le Magasin de Grenoble, Centre national d’art contemporain, s’illustre par l’ampleur de ses expositions et notamment par son association fréquente avec de jeunes artistes français (D. Gonzales-Foerster, Philippe Parreno…). L’originalité de l’espace du Magasin est ici mise entre parenthèses : la séparation entre les galeries et la rue, espace monumental, s’estompe pour se mettre au service de l’artiste. Le souci est affiché de produire une monographie du « jeune artiste français qui monte ». Mais n’est-ce pas prématuré ?

Si l’on trouve de la maturité dans certaines pièces de Veilhan –Les Vélos, 2000-, la référence affichée au XIXe siècle insiste trop vers une « manière », voire un maniérisme –La Tour Eiffel, Dirigeable, 1999. Le projet est celui d’un art total qui remplit tout l’espace, « espace spatial » mais aussi espace des possibles. Veilhan est un artiste « tous supports » : peinture, photo, sculpture, environnement, mobile, performance… De fait, se pose la question de l’unité de l’exposition. Par ailleurs, Veilhan aime les squelettes. Trois pièces différentes traitent ce thème (sept crânes de grande taille, posés sur le sol, quatre squelettes géants, qui, assemblés, forment une ronde, et un grand squelette tressé en rotin). Mais si cela a un impact visuel, la thématique n’est-elle pas mince pour des œuvres d’une telle surface ?

L’exposition peut se voir comme un indice de la digestion du post-moderne par les artistes de cette génération : tout est utilisable, toutes les citations, tous les emprunts. Ainsi, le feutre des sculptures molles de Robert Morris devient matériau des environnements. L’artiste ne veut pas prendre ses spectateurs pour des enfants, bien qu’il joue sur la fascination de la découverte d’espaces simplifiés. Dans La Grotte (1998-2000) ou dans La Forêt (1998-99), on se trouve à la limite entre minimalisme et figuration soft.

Par ce recours au minimalisme, si les formes sont simplifiées, il n’en reste volontairement que ce qui plaît à l’œil. Les parcelles du monde (social et naturel à la fois, comme dans La Plage, 2000) sont présentées comme des épures sorties de leur usage quotidien. Il s’agit là d’un jeu avec les codes de l’esthétique classique. Veilhan simplifie la forme de l’artefact (et décompose même ce mouvement dans Les Vélos). Cela conduit à une passivité grandissante face à ce qui passe (comme la Ford T, 1998-99, qui se déplace d’avant en arrière sur un plan linéaire). Il est certain que cette passivité trouve un écho dans notre rapport contemporain aux objets. En cela, Veilhan atteint son but.

Mais ce serait sans doute là une pauvre victoire pour un projet comme celui de l’artiste. Il remplit le cube blanc du Magasin, si nécessaire en modifiant une pièce –La Plage– pour servir de séparation et ainsi délimiter l’espace. Cela risque de se produire aux dépens des pièces montrées et plus encore du discours qui veut les structurer (ce regard rétrospectif et « amusé » sur les illusions modernistes du siècle passé). On garde de tout cela la trace d’une ambiance générale bleutée, image arrêtée d’un processus artistique qui se veut minimal mais qui tente d’optimiser, d’exploiter au mieux les possibilités d’une exposition globale.