De l’ébauche d’une nouvelle jamais écrite, Claudio Piersanti a su tirer le sombre scénario de Stigmates. Sa complicité avec le dessinateur Lorenzo Mattotti lui permit de concrétiser cette « histoire visionnaire » ; celle d’un vagabond, d’un apatride trouvant dans la violence (de ses actes, de ses sentiments) le moyen d’exprimer sa rage. Photo après transport à l’hôpital : « Quarante et un ans, gros buveur, pas d’emploi fixe. Ne présente pas de symptomatologie psychiatrique prononcée. D’ailleurs il se rebelle dès qu’on lui parle de stigmates ». Persuadé d’être atteint d’une malédiction (il saigne des paumes de la main), il quitte la ville pour rejoindre son oncle, personnage itinérant avec des forains qu’il côtoie, mais dont nous ne serons rien, puisque au moment où « l’homme sans nom » arrive, ce dernier est déjà emprisonné. Là, les flics, la répression, vont précipiter sa lente et longue déchéance. Ils auront, avec quelques salopards (son ex-patron et ses hommes de main), raison de sa tentative de mener une vie plutôt paisible, avec femme et travail. Finalement recueilli dans un couvent, il plongera dans un silence effroyable. La seule lecture des Écritures lui permettra de renouer avec ses semblables. Dès lors, un semblant de nouvelle vie -il distribue aux pauvres, leur raconte son histoire- commencera. Arrivé au terme de cette lecture dérangeante, plusieurs sentiments dominent : Mattotti a su donner chair, par ses planches dessinées à grands traits de plume noir, à un héros dont la vie n’a été qu’autodestruction et mal-être ; les éléments « irréels » de l’histoire sont traités avec brio ; et le scénario, malgré sa noirceur, n’est jamais complaisant. Toutes choses qui font, au final, une œuvre réussie.