Le virage pop des Dat Politics (lire notre entretien avec le groupe) est déjà enclenché depuis leurs précédents travaux, à l’instar du sautillant Sous-hit. Leur nouveau rejeton, mû par une rage joyeuse et fertile, pousse d’entrée de jeu la barre des vibrations plus haut avec Yes way et Slastic girl, pleins de la joie atmosphérique, douce et sexy qui les caractérise. Composé de vignettes pop, Blitz gazer déploie une kyrielle de morceaux féeriques, un brin punks, évolutifs et aériens, à l’instar du sautillant People r inside, proche des poussées minimalistes d’Add N to (X) ou de Psychic TV. Outre la reconnaissance de leurs pairs, les Dat Politics jouissent aujourd’hui d’une consécration critique généralisée et sont portés aux nues après plus d’une grosse décennie de trajet indépendant.

Leur nouvelle pépite, à l’incongruité aussi forte que sournoise, aligne une page supplémentaire pleine de leurs histoires poppy et synthétiques, sur fond de constructions acidulées (Lazer X), ondulant entre spleen mélodieux (Switch on) et rigidité envoûtante (l’intermède Surcloud). La pop brisée et électrisante du duo, directe et surprenante de justesse, s’étale à coups de mélodies atonales, d’harmonies légèrement bruitistes et de synthétiseurs en transe paradoxale (le suberbe Hypnotricks). Il y a dans le son DAT un cosmos qui berce les tympans de l’auditeur à l’aide de mélopées langoureuses, chaleureuses et atypiques. Pleins à craquer d’une urgence crue et répétitive, mais aussi d’une énergie toute européenne, leur poèmes denses et saturées de visions proches de feu Jacno, déploient une liberté musicale détonante (la beauté étalée de Meltdown). Et malgré une écriture relativement rude, la tradition pop, ici, est détournée avec une désinvolture qui en renouvelle la modernité. La dynamique des phrasés (Between us) insère des respirations dans ce disque riche en esquisses plutôt conçues pour le live (Corpsicle).

Tout ce melting pop donne à l’ensemble une sorte de mouvement perpétuel qui préfère, en opposition au conventionnel déploiement d’énergie de nombre de leurs contemporains, un travail sur les faibles nuances, les profils mélodiques atonaux, les pizzicati et les synthés feu-follets. Jouant parfois sur le choc du dialogue qu’ils ont avec leurs machines, les frenchies étalent l’éternité d’un souffle sonore qui mêle SF et poésie contemporaine, eurodance et rock-bonbon qui suinte l’électro. Rempli d’interférences textuelles et numériques, de chansons au parfum coloré et bercé par des flopées de synthés égarées dans leurs dédales de beautés sonores, ce pur prototype alterne entre ballades énergiques et ruades névrotiques soudées comme jamais. Un groupe en état de grâce, à la cool mais pas trop, comme si, dans l’univers caméléon des DAT, le récit s’apparentait plus à un conte fantastique moderne (ce que renforce l’usage du live) qu’à de simples chansonnettes. Inébranlable et inévitable.