Gros plan sur un oeil affolé. Il appartient à un homme allongé sur le bitume, sérieusement amoché. Sous le choc. Nous ne sommes pas en 2004. Ce globe oculaire n’appartient pas à Matthew Fox, sur le point de passer à la postérité grâce à Lost, mais à Matthew Dillon qui découvre pour la première fois une mystérieuse petite ville dont il n’est pas prêt de partir. Le panneau «Welcome to Wayward pines», dévoilé dans la foulée, renvoie à un autre show culte, Twin Peaks, que l’on reverra peut-être en 2016 sur Showtime. En moins de deux minutes, Wayward Pines a déjà convoqué les souvenirs de deux monuments télévisuels, auxquels aucune série ne peut être comparée sans repartir perdante. Ce sont les premiers (mais pas les derniers) indices d’un pilote qui navigue constamment entre hommage assumé et plagiat éhonté.

Annoncée de longue date, cette mini-série événement en 10 partie se base sur la trilogie éponyme de romans à succès signée Blake Crouch. Elle raconte le cauchemar éveillé d’un agent fédéral, Ethan Burke (Matt Dillon), chargé d’enquêter sur la disparition de deux collègues dans la ville de Wayward Pines, située dans l’Idaho. L’une d’elle, Kate (Carla Gugino), est une ancienne amante. A peine arrivé, Ethan essuie un violent accident de voiture. Transporté à l’hôpital, il est délesté de son téléphone et autres affaires personnelles, et ne peut joindre sa femme et son fils. L’agent va alors faire la connaissance des habitants étranges, tantôt amicaux, tantôt menaçants, de cette ville / prison qui semble sous l’emprise de phénomènes surnaturels.

Derrière la caméra sur ce pilote, le surdoué M. Night Shyamalan – également producteur exécutif – assure une réalisation soignée à tendance Instagram (vive les nuances vertes, magenta et les filtres alternativement vintage et flous). Cela dit, il pose sans effort une atmosphère aussi étrange que fascinante. Le cinéaste du Village et de Phénomènes retrouve ici ses thèmes de prédilection : la place d’une nature hostile (comme dans Les Revenants, la ville est nichée au milieu de la montagne, avec des séquences dans la forêt), des éléments surnaturels, mais surtout les petits et grands mensonges nécessaires à la survie d’une communauté. Pour incarner cette histoire, le showrunner Chad Hodge a validé un cast solide : aux côtés de Dillon et Juliette Lewis, on retrouve des seconds rôles sympathiques comme Melissa Leo (une nurse ambiance «Vol au-dessus d’un nid de coucou»), Terrence Howard dans celui du shérif de la ville accro aux glaces rhum-raisin, ou encore l’excellent Toby Jones en Docteur Creepy.

Twin Peaks & co.

ABSOLUMENT tous les ingrédients semblaient donc réunis pour nous faire passer un bon moment. Mais tout était peut-être trop parfait : le pilote de Wayward Pines se révèle d’une incroyable fadeur. La faute à un empilement de clins d’oeil et références plus ou moins assumés. Oui, la série rend hommage à Twin Peaks, mais d’une façon tellement évidente (la secrétaire à l’ouest, le panneau, le shérif décalé…) que l’exercice perd tout son charme. Certains passages rappellent pêle-mêle The Twilight Zone, Le Prisonnier, Lost ou encore la plus récente Persons Unknown. Sans oublier The Truman Show pour le côté «souriez, vous êtes filmé» et la ville sous cloche d’Under the Dome. Quand une série s’appuie sur autant de références sans réussir à les digérer, ce n’est jamais bon signe. Les acteurs, aussi bon soient-ils, semblent à côté de leurs pompes, pris en flagrant-délit de cabotinage (Melissa Leo), ou donnant juste l’impression de jouer faux (Juliette Lewis et Matt Dillon). En un mot, peu d’entre eux ont vraiment trouvé le bon ton pour coller à l’atmosphère du show. Et puis le pilote a la mauvaise idée de lever d’emblée le voile sur une grosse partie de l’intrigue, ce qui laisse ironiquement assez peu de place au mystère, pour un show censé reposer dessus. A moins que les prochains épisodes ne surprennent par l’originalité des rebondissements, et remettent en cause 90% de ce qu’on vient d’apprendre, Wayward Pines s’annonce comme la plus éclatante déception du printemps.