«Worlds will collide» annonce la tagline de Marco Polo. Après House of Cards et Orange is the New Black, Netflix la conquérante s’attaque à la série historique mondialisée. Marco Polo, c’est la rencontre entre deux mondes, l’Orient et l’Occident. Fasciné par la culture chinoise depuis sa plus tendre enfance, le showrunner John Fusco (Hidalgo, Le Royaume Interdit) se penche sur cette figure historique à la fois très populaire et peu abordée sur petit ou grand écran. A l’heure des coproductions internationales où les séries sont imaginées pour plaire à un maximum de cultures, Marco Polo et ses aventures asiatiques avaient de quoi séduire les pontes de Netflix et à Hollywood. Producteurs sur le projet, les frères Weinstein ont allongé les biftons (90 millions de dollars) pour reconstituer la Cour du khan mongol Kubilai dans la Chine du XIIIème siècle. Emmené sur la route de la soie par son père, un marchand vénitien, le jeune Marco sert de monnaie d’échange pour développer de bonnes relations commerciales entre l’Est et l’Ouest. Invité prisonnier au palais, le futur aventurier se montre prompt à apprivoiser les us et coutumes de la région. Sa perspicacité et ses récits imagés lui permettent d’approcher au plus près du Grand Khan, qui développe une certaine affection pour «le latin». Petit-fils de Gengis Khan, l’empereur mongol souhaite abolir les frontières, et réunir l’ensemble de la Chine (voir plus) en un grand empire global. Son plus grand adversaire, le Chancelier Jia Sidao, conseiller de la dynastie Song, est prêt à tout pour repousser les Mongols.

Plutôt décevant, le pilote de Marco Polo souffre d’un sérieux manque de rythme. Trop lisse, son héros principal (joué par Lorenzo Richelmy) fait l’effet d’un beau gosse un peu paumé qui aurait forcé sur l’eyeliner. S’il gagne en épaisseur au fil des épisodes, Polo reste l’un des protagonistes les moins captivants de la série. En revanche le Grand Khan (un excellent Benedict Wong), son fils Jingim (Remy Hii) ou l’inquiétant Sidao (Chin Han) sont chacun dotés de failles et de conflits intérieurs intéressants. Puissants, terrifiants ou en proie au doute, ces seconds couteaux charismatiques sauvent la série de l’ennui et apportent ce supplément d’âme qui fait défaut au personnage principal.

Sans vouloir lui ressembler à tout prix, Marco Polo évoque immanquablement Game of Thrones, que ce soit par son époque médiévale, un casting choral, les intrigues de palais ou encore l’inévitable dose de sexe et de violence présentes pour attirer un public adulte.

Avec Game of Thrones, HBO a trouvé sa nouvelle championne, qui fait rayonner sa marque aux quatre coins de la planète. Netflix a clairement les mêmes desseins pour Marco Polo, sa série la plus chère et la plus ambitieuse à ce jour.  Tournée en Italie, au Kazakhstan et en Malaisie, elle bénéficie de très beaux décors, qui servent une sublime photographie. La reconstitution historique ne souffre aucune fausse note. Sur la forme, le show lorgne d’ailleurs du côté d’un Tigre et Dragon, aussi bien dans sa réalisation très soignée (signée Joachim Rønning et Espen Sandberg, duo de cinéastes norvégiens à l’oeuvre sur le prochain volet de Pirates des Caraïbes) que dans ses combats d’arts martiaux millimétrés, ou son thème musical asiatique.

Après un pilote laborieux, Marco Polo se bonifie avec le temps. Au fil des épisodes, les intrigues de palais se nouent tandis que l’héritage, la transmission et les liens filiaux dessinent les thèmes phares de cette première saison. Le Prince Jingim, élevé dans la culture chinoise raffinée, entretient une relation conflictuelle avec son père mongol et grand combattant, auquel il succédera un jour. Marco Polo, lui, lutte avec une vision idéalisée d’un géniteur absent durant quasiment toute sa vie. Sur le point de devenir un homme, Polo voit en Khan une figure paternelle alternative, attachée aux valeurs de la famille et de la loyauté. Tradition, classicisme. C’est ce qu’on pourrait reprocher à Marco Polo, série peuplée de personnages empesés dans leurs costumes et leurs coutumes. Pour l’instant, la série ne fascine que par moments, à l’image de cette scène glaçante où le chancelier Sidao explique à sa jeune nièce comment les pieds des fillettes doivent être bandés et torturés consciencieusement pour atteindre la taille idéale de 7.5cm, avant de s’exécuter froidement… Marco Polo possède un indéniable potentiel, mais la série internationale promise par Netflix, qui mêle aventures sexy, intrigues de palais et arts martiaux, a du retard à l’allumage.